A la mer, le printemps rougeoie.

Aujourd’hui, en ce début de printemps, le temps était maussade, affichait ses plus obscures couleurs automnales. Le brouillard d’un gris soutenu, le ciel désespérément assombri, la pluie battante, complétaient l’apparence d’un novembre ancien, d’une Toussaint humide.
Ce tableau n’a pas échappé à mon œil vagabond mais scrutateur aussi.
Je passais dans la rue, assez loin de la mer, lorsque, franchissant une ruelle, je fus instantanément attiré par « l’arène ». J’avais l’impression qu’une violente corrida venait de s’achever ici, laissant sur l’onde de larges plages d’hémoglobine fraîchement déversée.
Une aquarelle m’apparaissait à mesure que des pigments écarlates s’épanchaient dans l’eau.
Un vent, pourtant léger, manifestait sa colère, plissait, puis ridait fortement la surface marine pour suggérer les frémissements de la souffrance animale.
J’avais oublié que j’étais dans un port, seule l’onde, fortement sanguine, attirait mon regard.
Au fil des images que, progressivement, je détachais de leur décor portuaire, mes idées s’adoucissaient et prenaient une saveur hautement grenadine.
Je m’imaginais devant une toile, j’étais un aquarelliste rempli de douceur.
Malgré ce rouge vif, j’entrais en fête foraine surmontée de baudruches pourpres, puis courait dans un champ printanier en caressant au passage des milliers de coquelicots…