Certes, je suis un nostalgique du passé mais y revenir un jour, je ne l’aurais pas cru.
Est-ce par pure nostalgie que s’opère cette virée dans l’ancien temps ou par nécessité ?
Par nécessité ce serait exagéré mais tout de même, ces temps moroses m’y invitent pourtant.
Il faut revoir l’usage du gaz et de l’électricité à la baisse par ces temps de forte hausse de l’énergie.
Il va falloir polluer encore, enfumer le voisinage.
Oh, ce n’est pas très visible et le petit bois ne manque pas aux alentours, il suffit de le glaner sur les bords du chemin.
L’envie de pieds paquets était trop forte mais la cuisson longue, décourageante, dévoreuse d’énergie, alors…
Alors, les pieds paquets, le plat du pauvre devenu hors de prix, méritait donc la cuisson à l’ancienne, dehors, à l’ombre de la Zinella.
La marmite qui date de mes ancêtres avait retrouvé sa place dans la niche à barbecue à défaut de cheminée. La prochaine fois, je sortirai le trépied, je n’ai eu le temps de fouiller dans mes anciennes affaires.
Il n’y a pas si longtemps, je cuisinais au brasero sur un coin de cheminée, un petit brasero qu’on nommait furreddu, petit four. Installé le matin très tôt, alimenté de braises de temps en temps, cuisson lente et prolongée, assurée. Naguère, la daube du jour poupoutait et fumait à peine, comme au ralenti en attendant midi.
J’ai donc passé une grande partie de la matinée, à surveiller la cuisson, à alimenter le feu afin qu’il ne s’endormît. Ce fut le moment du temps long, du temps qui réclame patience.
J’avais l’impression de revenir à mon enfance lorsque je me contentais d’observer ma grand-mère qui allait de la cave au grenier, du poulailler à la porcherie, du jardin à la cheminée pour remettre un peu de vie sous le trépied. J’étais observateur, non acteur.
Aujourd’hui j’étais acteur et glandeur car je n’avais rien à faire entre cave et grenier, je n’ai plus de poulailler, pas de porcherie. Le jardin est en souffrance et n’attend rien de moi. Il ne cesse de réclamer pluie, des ondées sont prévues en fin de semaine…
Durant une longue matinée, j’avais oublié 2023 et le 21e siècle, je traînais encore au milieu du siècle dernier, il me semblait que la vie avait grand loisir de s’éterniser encore longtemps.
Si le bonheur n’est point fugitif et qu’il ne s’accommode pas de l’ici bas, je crois bien l’avoir frôlé au passage.
J’ai failli y croire, je le tenais et puis paf ! Il a glissé, s’est étalé et m’a laissé là, désabusé, à encore espérer…
Aujourd’hui, j’ai rêvé l’intemporel.
Presque cinq heures pour garnir l’assiette.
Mais qui a cette chance de fuir dans le temps ?