Le raisin philosophe aussi.
Il y a de quoi méditer, discourir, raisonner sur toute chose de la vie.
Il suffit d’avoir l’esprit fécond, d’être friand de constructions idéelles pour passer le temps.
On n’épluche pas un fruit sans penser, tout est source de réflexion.
A-t-il été traité ? Pourquoi est-il si beau ? Comment a-t-il échappé aux geais ?
Bref, plein de questions traversent l’esprit.
Par exemple ce matin, j’avais ramassé quelques grappes de raisin au jardin, je ne savais pas trop quoi en faire. Il me restait quelques bananes trop mûres, une pêche et une pomme, tout de suite j’ai pensé à compote.
Un mélange inédit de fruits sans savoir si le mariage serait de goût ou de raison.
Ma grappe composée de grains mûrs et d’autres moisis, j’ai songé à trier les meilleurs pour en faire jus dans ma compote.
Je choisissais les plus beaux grains, je les tranchais en deux et en extrayais les pépins. L’opération est fastidieuse mais en imaginant le résultat après cuisson, l’opération en valait la grappe.
Durant mon labeur un peu toc-toc, le souvenir de la cerise philosophe fit irruption dans mon esprit.
Souvenez vous. je commençais par croquer les plus rouges, les plus mûres c’est à dire les plus sucrées.
Tri faisant, j’avalais les plus écarlates, celles qui restaient me semblaient écarlates aussi en l’absence de plus écarlates. Ainsi de suite, j’avais l’impression qu’il y avait toujours un fruit plus rouge que les autres surtout lorsque le vert commençait à dominer. Je redécouvrais la théorie de la relativité, tout prend sens en présence d’une référence. Le rouge pâle semble vif lorsqu’il n’y a que jaune autour.
La cerise philosophait.
Ce matin, ce fut le même sentiment. Je cherchais les grains mûrs, il y en avait toujours un plus mûr que les autres dans le tas. Tant et si bien qu’il ne resta plus que la rafle pour aller au compost ou pour danser comme le montre l’image en titre.
Les fruits de saison, lorsqu’ils sont au sommet de leur maturité sont bourrés de sucre et donc d’idées.
Il n’y a pas plus bavard qu’une cerise, fraise ou grain de raisin qui ne connaissent point la parole.
Parvenu au bout de ma vie, j’aurai exprimé tout le jus que j’avais en moi.
A défaut de substantifique moelle ou de pierre philosophale, j’aurai au moins suscité quelques interrogations sur la traversée de mon chemin de vie, un désert au bout du compte, puisque je ne sais rien de mon passage ici bas : Quel curieux personnage !
Suis- je une énigme, pour toutes ces élucubrations ?
Ben non ! Ce fut un choix, un plaisir, un art de vivre !
Image en titre : Avec une rafle de raisin, des Confucius en folie.