Je ne risque pas grand-chose. Je me promène dans la vie avec, tenu par un fil à pêche solide, un grand point d’interrogation au-dessus de la tête. Il ondule constamment comme un pendule qui cherche sa raison.
Parfois, la bille libre qui semble maintenue à distance par un aimant sous le crochet du point interrogatif me cogne le crâne. Elle ricoche, rebondit mais ne sort jamais de son espace réservé. Elle toque, et m’envoie quelques étoiles, quelques rêves, quelques occasions de digresser encore. C’est très pratique. Il n’y a pas plus efficace que le doute pour faire réfléchir, alors, je la bichonne ma fausse épée de Damoclès et aucun risque que le crin de cheval qui la tient en suspension craque, c’est du fil pour poisson de plus de dix kilos. Il faudra que j’en use des idées… J’en ai probablement l’usage pour toute ma vie.
Imaginez qu’un jour, quelqu’un donne un coup de ciseaux pour que la bille roule sur mon nez et que le crochet reste accroché au pavillon de mon oreille. Non pas emprisonné dans le lobe comme une boucle d’oreille mais sur la partie supérieure en équilibre précaire. Même si je parviens à récupérer les pièces détachées, à quoi serviraient-elles sans fil conducteur et suspenseur ?
J’y tiens trop à mon point D. Mon point Dominant par où passent toutes mes réflexions. Point de Damoclès aussi, si d’aventure, un jour, las de gambader dans mon esprit, je deviens cacochyme. Il peut choir alors ! A quoi servirait-il s’il n’est plus boussole ? Boussole qui cherche le nord sans jamais le trouver ? Pour l’heure j’en suis heureux et le trouve très facétieux. Dès que je lève la tête pour le regarder, hop ! Il suit le mouvement. Impossible de le voir. Devant la glace, je ne peux le piéger non plus, il n’a pas de reflet. En photo c’est itou, il n’est pas photogénique et refuse de s’imprimer sur le capteur d’un appareil numérique. Que j’essaie de le toucher, tu parles ! Il fonctionne comme le pompon d’un manège pour enfants. Il monte et descend si prestement qu’il est impossible de l’empoigner. C’est une énigme en vrai point d’interrogation !
Je l’aime mon point I de toutes les Interrogations. Il nourrit mon intellect, et même mon affect, de questions. Je ne suis jamais fatigué mais je fatigue les autres. Ceux qui me trouvent trop difficile à suivre dans mes élucubrations. Je finis par leur manquer car ils accourent presque toujours. Mais, en vrai, vous savez, je suis cool et je me rends compte jusqu’où je peux aller. Aucun risque d’ennui. Je suis lucide, souriant, rigolo parfois, bon cuisinier aussi. Je suis masseur, je suis coiffeur de fortune, je suis terrassier, jardinier, peintre, photographe, j’écris sans être écrivain…
Je suis celui qui aime la vie, qui se balade avec son gros point d’interrogation au-dessus de la tête et que personne ne voit. Vous savez ce truc agitateur de cervelle et qu’on appelle le doute. Je doute donc je suis, sans doute. Je suis celui qu’on n’a jamais vu, que l’on voit rarement et qui fait dire spontanément lors d’une rencontre fortuite : « Ah, c’est toi ». Ce cri du cœur, cet effet de surprise dont on ne sait jamais s’il faut le ponctuer d’un point d’exclamation ou d’interrogation.
Toute ma vie, je suis resté discret. Mes supérieurs disaient « Dommage, vous gagneriez à être connu ». Ne vous inquiétez pas pour moi, j’ai su me montrer lorsque cela me plaisait. La discrétion n’est pas effacement et peut même être « mise en vue » si l’on sait en jouer.
Tiens ! Mon point d’interrogation s’est placé en position de repos et la bille a roulé dans le creux du crochet… C’est le signal d’un moment de sieste mais cela ne va pas durer longtemps.
A bientôt, a prestu !
Imaginaire. Dans le regard d’un nœud de vieux bois, on peut rêver de l’Univers.
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4 Comments
“Seuls les idiots n’ont pas de doute. – Vous en êtes sûr? – Certain.” G. Courteline
Je ne pourrai plus jamais vous imaginer autrement qu’avec un point d’interrogation au dessus de la tête.
Merci Antonia. Heureusement, comme il n’est pas visible, on ne peut y voir un entonnoir, non pour remplir le cerveau mais à l’envers, vous voyez ?
J’avais envie de me faire plaisir aujourd’hui en lâchant les brides, vous l’avez sans doute compris… je suis déjà ailleurs.
Bonne soirée.
Feu d’artifice à partir d’un point d’interrogation qui « ondule constamment comme un pendule qui cherche sa raison »…avec (ou sans?) « fil conducteur ».
J’aime beaucoup cette « fausse épée »…
et vais plonger dans l’Univers évoqué par Simon en regardant mieux… »un nœud de vieux bois »…
Merci! À « ailleurs »!
“Seuls les idiots n’ont pas de doute. – Vous en êtes sûr? – Certain.” G. Courteline
Je ne pourrai plus jamais vous imaginer autrement qu’avec un point d’interrogation au dessus de la tête.
Merci Antonia. Heureusement, comme il n’est pas visible, on ne peut y voir un entonnoir, non pour remplir le cerveau mais à l’envers, vous voyez ?
J’avais envie de me faire plaisir aujourd’hui en lâchant les brides, vous l’avez sans doute compris… je suis déjà ailleurs.
Bonne soirée.
“Seuls les idiots n’ont pas de doute. – Vous en êtes sûr? – Certain.” G. Courteline
Je ne pourrai plus jamais vous imaginer autrement qu’avec un point d’interrogation au dessus de la tête.
Feu d’artifice à partir d’un point d’interrogation qui « ondule constamment comme un pendule qui cherche sa raison »…avec (ou sans?) « fil conducteur ».
J’aime beaucoup cette « fausse épée »…
et vais plonger dans l’Univers évoqué par Simon en regardant mieux… »un nœud de vieux bois »…
Merci! À « ailleurs »!