Une âme de mustélidé.

ratLe furet des villes. (Philippe 8 ans vivait dans une HLM)

Le sourire figé, le regard goguenard, des éclats de rire soudains et tonitruants, Philippe nous mettait au défi de l’apprivoiser. Ses plus retentissants éclats de rire, il nous les réservait pour ponctuer nos essais infructueux chaque fois que nous tentions, tels des rabatteurs de gibier, de le diriger sur le chemin de la lecture. Son plaisir, sa jouissance, sa jubilation atteignaient le paroxysme lorsque l’évidence nous rappelait qu’il venait de nous filer entre les jambes. Sa vie scolaire consistait à surveiller les bas-côtés pour fuir à la moindre occasion vers les buissons. Il adorait se faire chercher. L’indifférence ou le constat d’échec auraient été pour lui la pire des choses, supprimant du même coup les courses folles dans le vide, passant par ici, repassant par-là dont il raffolait.

S’il lui reste un brin de conscience de cette aventure, notre furet des villes aura bien des souvenirs agréables à raconter le soir à la veillée. Avec une telle âme, Philippe ne manquera pas de se construire une cheminée.

Le furet des champs. (Alan 8 ans, fraîchement arrivé de la campagne à la faveur d’un remariage)

Qu’on essaie de le guider à gauche et le voilà parti à droite. Qu’on lui indique un bon coin de cerises et le voici parti aux fraises. Son esprit vagabonde loin des nationales et des départementales trop fréquentées. Sa route est vicinale car elle sent bon la mousse fraîche et le champignon charnu. Le furet des champs, imprévisible, toujours à l’affût de l’accessoire, tourne autour des mots et curieux, les tâte de sa patte méfiante. De sa griffe preste et désinvolte, il arrache une lettre pour la goûter : « RAPIDE »… Tiens ! «RA », si je mets un D à la place du P ça peut faire « RADIS » hein ? Ce détournement de lettre pour un détournement de sens le conduit à flâner loin du contexte réel. Ainsi, il  peut batifoler, musarder, muser, baguenauder, capable aussi de badauder en exprimant sa nature…

Ce virtuose de la gambade et de la digression vivait heureux dans son monde. On n’aurait jamais dû troubler son onde !

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *