On va presque tous mourir !

Ah ! vous ne le saviez pas ?

Dans un village voisin vivait un homme heureux.
On le disait faible d’esprit et chacun le consultait pour quelques minutes d’amusement :
– Alora, comu si passa a vita ? (Alors, comment se passe la vie ?)
– Bè, bè, ma di tutta minera hema mora guasgi tutti ! (Bien, bien, mais de toute manière, nous allons presque tous mourir !)

Mon homonyme, il s’appelait Simon, ne concevait aucune philosophie, il était la philosophie à lui tout seul.
La philosophie optimiste appliquée à sa personne, il se considérait immortel.
Il voyait bien les gens de sa famille, du voisinage immédiat ou du village, trépasser. Cela ne l’émouvait guère, c’était la vie des autres, pas la sienne. Il avait perdu le sens du temps et voyageait à contre courant.

Si le commun des mortels sait qu’il va mourir mais ne le croit pas, pour vivre mieux, notre ami cultivait sans s’en douter, le croisavoir ou le sacroire, c’est à dire qu’il se savait et se croyait immortel.
Eliminant du même coup toute éventualité de disparaître un jour, il était bienheureux.

Dans sa profonde innocence, il avait acquis la sagesse. Peut-être serait-il plus convenable de dire une certaine sagesse ?  Il ne connaissait pas la colère, l’envie ni l’angoisse. Il ne voulait que le bien, la paix et ne semblait touché par aucune faiblesse : une utopie incarnée mais certainement pas un utopiste. Il n’y pensait même pas et laissait ces réflexions oiseuses à qui « oise » inutilement.

Un utopiste se fait des illusions en toute clarté, pour les autres. Lui était troublant mais sans illusions tout était certain dans son esprit. La déception ne pouvait l’atteindre, toujours content de son sort. Avec ce genre de personnage, avoir tort ou raison n’a plus d’objet… il va, sans savoir où, mais il avance en rond dans un mouvement perpétuel qui n’a ni direction ni sens. Un mouvement sans repères, une vie de béatitude douce, sans le fanatisme.

L’homme était facile à vivre et de bonne compagnie. Qui voulait passer un bon moment, allait le rencontrer s’amusant de ses extravagances. Certains riaient bien de son originalité et se prenaient, parfois, à l’envier un instant.

Un jour, Simon est parti sans se rendre compte de rien. Il n’avait aucune raison de se méfier de la mort.
Il se savait éternel, nous disait mortels.
A-t-il ému la faucheuse, en lui laissant croire qu’il ne la craignait point ?
La faucheuse n’a pas d’états d’âme, elle tranche et la lame de sa faux est toujours affutée.

A-t-il eu le temps de vivre et de savoir la vie puisqu’il avait tout son temps ?

On va presque tous mourir ! Pensait-il.
Je préfère savoir le temps et m’exposer aux quatre vents. Je veux savoir le gouffre qui m’attend…
On va tous mourir, on a presque le temps… pas trop le temps…
Quel temps encore ?

Il faut manger pour vivre…
Croquer monsieur, croquer madame assez souvent pour bien passer le temps…

1 Comment

  1. Le dessin est un joli hommage à cet homme qui fut heureux et finalement sage 🙂

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