Je connais des gens qui ont grassement réussi dans leur vie et qui se portent magnifiquement bien aujourd’hui. En apparence seulement.
Ils en mettent plein la vue et se nourrissent de l’envie des autres. Se servent de ces « petites gens » admiratives qui ouvrent grands leurs yeux et qui s’exclament : « Oh ! Bou… tu as vu ces stores qui se baissent et se montent à distance ? » Un public complaisant, presque là pour faire la claque et qui satisfait pourtant. Quelle misère !
Tout est beau chez eux, tout rutile, tout est nickel, tout est mieux qu’ailleurs, tout n’est qu’objet de monstration, presque inutile. Quelle misère !
Ce besoin de remplir une vie avec du « tu as vu ? » et du « m’as-tu vu ?», de se projeter dans le regard de l’autre afin de lire son étonnement… Quelle misère !
Qu’ont-ils au fond du cœur ? Quels élans ? Quelle écoute ? Voient-ils l’altérité ? Peu leur importe tout cela… Quelle misère !
Le soir, ils s’endorment, pleins de satisfaction, le sourire égoïste figé au coin des lèvres… demain sera un autre jour pour une autre quête aux flagorneries… Quelle misère !
Suis-je le meilleur ? La meilleure ? Enviable ? Quelle misère !
Droits dans leurs bottes, ils continuent à paraître pour être. Quelle misère !
Les jours, les semaines, les années passent, rien n’a changé. Le temps les conduit à l’autre bout de la vie sans la moindre conscience de la relativité des choses, de la beauté de l’ailleurs ni du plaisir de la rencontre… Quel dommage de traverser une existence dans la superficialité des choses, de n’avoir pas compris que le regard envieux n’offre qu’une maigre consolation. Peut-être, dans l’aisance de leur condition, n’ont-ils besoin que de leurres pour exister plus fort ? Quelle misère !
Même agnostique, j’ai envie d’implorer : priez pour eux, pauvres égotistes*!
Droits dans leurs bottes, ils n’auront fait que passer sans savoir que les autres existent aussi autrement que par leur regard complaisant.
*Narcissisme ; culte du moi ; amour de soi, même à travers des biens qui contribuent à mettre la personne en « valeur ». (Valeur presque marchande)