La lune.

La petite princesse, petite sœur du Petit Prince, me dit un soir en regardant le ciel :

– Tu savais que la lune s’est brûlé les ailes en voulant s’approcher du soleil ?
– La lune n’a pas d’ailes !
– Comment elle fait, alors, pour voler dans le ciel ?
– Elle ne vole pas, elle roule, roule.
– Elle roule ?
– Oui, elle roule toute la nuit, parfois joue avec les nuages et le vent.
– Le vent la pousse ?
– Non, non, le vent pousse les nuages pour qu’elle joue à cache-cache.
– Pourquoi, il ne pousse pas la lune aussi ?
– Parce qu’elle est trop haut, beaucoup trop haut, il n’arrive jamais jusqu’à elle.
– Elle voit les nuages ?
– Oui, elle les voit et parfois elle rit parce qu’elle les regarde courir sans jamais la rattraper.
– Elle roule tout le temps, elle ne s’arrête jamais ?
– Tout le temps, elle ne s’arrête jamais.
– Même quand je dors ?
– Même quand tu dors !
– Comment on fait pour le savoir si on dort ?
– Parce qu’elle n’y est plus le matin, elle a filé ! Et puis d’autres la voient même si tu dors.
– Elle parle aussi ?
– Je ne crois pas.
– Alors pourquoi elle rit ?
– On dirait qu’elle rit mais je n’en suis pas sûr, je m’amuse à le croire, on dit que c’est une image parce qu’on l’imagine.
– Pourquoi on ne la voit pas le matin ?
– Parce qu’elle a voyagé, elle est passée de l’autre côté mais parfois on la voit à côté du soleil.
– Ah, alors voilà pourquoi elle n’a plus ses ailes, elle a dû trop approcher du soleil, voilà pourquoi elle roule.
– Tu as peut-être raison.
– Peut-être, peut-être, tu ne sais rien alors ? Tu imagines tout le temps?
– Oui, c’est ça, j’imagine, c’est compliqué, la lune, le soleil, les étoiles, l’univers et les galaxies…
– Pourquoi c’est compliqué ?
– Parce que si c’est trop facile et qu’on comprend tout, ce n’est pas la peine de vivre, on n’aurait rien à découvrir. Rien ne nous étonnerait, rien ne nous ferait peur ou rire.
– Ah oui, peut-être !
– Peut-être, tu ne crois pas qu’il est temps d’aller dormir ?
– Oui, et puis demain, je n’en saura rien non plus !
– Je n’en saurai rien non plus, il faut dire !
– Mais je n’en saura pas davantage… alors c’est pas grave, je vis… et je dis comme je veux…