Les fins de périodes étaient lourdes à supporter. C’était l’heure des bilans et des plans à venir. Des réunions redoutées parce que tardives et l’assemblée exclusivement féminine, lasse de sa journée, aspirait à retrouver le confort du salon familial pour faire relâche. La salle était surchauffée à l’approche de Noël ou rendue gluante par la moiteur ambiante du début de l’été lorsque juin tirait à sa fin.
Les esprits étaient fatigués. Toutes, n’avaient qu’une hâte : en finir avec ces discours obligés, infligés pour ne rien dire qu’elles ne sussent déjà. Des mises en garde mille fois entendues et jamais retenues. Certaines pensaient au retour par l’autoroute, parfois une heure et plus de trajet, alors qu’il était bien tard, la nuit largement tombée. Les visages avaient perdu tout sourire, les mains masquaient difficilement des bâillements irrépressibles et communicatifs.
Les plus impliquées, celles proches des autorités chargées de dire la bonne parole, gardaient l’œil vif et le verbe aiguisé pour distribuer un savoir qui ne portait plus sur des attentions devenues faiblardes, chargées de lassitude, qui n’en pouvaient plus, parvenues à saturation ce soir.
Les autres s’évadaient pour tuer le temps, histoire de patienter en attendant le « ite missa est », la messe est terminée vous pouvez disposer. Des sourires se croisaient et en disaient long sur les directions qui trottaient dans leurs têtes. Les rêveuses bercées par les recommandations qui leur passaient loin au-dessus des cheveux, esquissaient une satisfaction suggérée par un esprit en vadrouille, un œil devenu coquin par un excès de dopamine salvatrice. Une hormone apaisante dans une atmosphère insupportable, un moment de fraîcheur et de chaleur mêlées dans un temps trop long à passer.
La plus proche de moi, larguée depuis belle lurette, se penche à mon oreille faisant mine de commenter la dernière phrase et lâche la couleur d’un sous-vêtement en surveillant mon regard pour m’embarquer dans une devinette. Est-ce le soutien-gorge ou le string du jour ? Le jeu est amusant, distrayant et même émoustillant. L’autre voisine qui a cueilli un mot au passage est intéressée sans être jalouse. Alors, elle propose sa touche. Elle en porte des légères en dentelle et de toutes les couleurs. Parfois, chuchote-t-elle à tous petits souffles, elle ne porte rien. C’est l’escalade féminine et le temps passe trop vite, maintenant.
Depuis un moment déjà, des effluves chauds et musqués s’élevaient des tables. Ça brûle sous les jupes et le feu semble s’étendre à toute l’assemblée. Les vapeurs se font arômes torréfiés. L’arabica se mêle au robusta… l’animatrice qui doit avoir bon odorat a compris qu’il est grand temps d’en finir et de libérer tout ce monde perdu dans la chaleur d’un rêve.
Il n’est plus heure à boire un café, ni à siroter un cocktail, il sera difficile d’échapper à la sniffe des effluves et bien plus que la sniffe… alors, la salle se vide d’un coup et chacun s’égaille en emportant ses fantasmes à consommer ailleurs et autrement.
La salle déserte est encore chaude de toutes ces envies hautement relaxantes dans des situations devenues insupportables.