Papillon.

Elle était déjà là, bien avant lui dans ce lieu obligé.
Elle savait qu’il viendrait aujourd’hui et fit semblant d’être surprise de le voir arriver : « Tiens, tu débarques ? »

Comme sa copine Evora, Mathilda aimait danser.
Sans la moindre gêne, elle se donnait en spectacle devant celui qu’elle voulait séduire. C’était ainsi qu’elle faisait monter les envies avec des airs de danse classique.
Les bras légers, ondulant sur un rythme qui lui était propre, les mains souples dont les doigts pianotaient tantôt sous le nez, tantôt sous le menton de celui qui allait devenir sa proie du moment. C’était le jour de Philippe.

Philippe ne disait rien. Il était médusé, presque paralysé comme la grenouille devant le serpent. Elle savait se montrer irrésistible dans ses accès de trouble érotique.
Ce n’était pas la première fois, il laissait faire, mené par le bout du nez. Peu lui importait de n’être point à l’initiative, ça lui plaisait. Il adorait « l’émoustille » imposée par surprise, d’emblée, il était transporté. Prêt pour l’escalade.

Jusqu’où ira-t-elle ?
Parfois, elle vous allume. Elle rit en vous fixant droit dans les yeux, vous remontant le menton, délicatement avec son index si vous baissez la tête. Elle sait lorsqu’elle peut vous plaquer contre le mur. C’est elle qui attrape, capable aussi de vous planter là, abandonné à vos envies réveillées.

On ne sait jamais comment cette parade se terminera car, contrairement à cette apparente assurance, Mathilda est fragile et souvent velléitaire en n’allant pas au bout de ses promesses suggérées. Il suffit d’attendre. Si elle hésite, montrant pourtant une forte émotion sur son visage, une autre fois elle empoignera, mettra à terre et dominera. C’est elle qui décide selon l’humeur du moment. Elle se sert toujours sans prendre avis.

Philippe avait l’habitude de ce jeu, il ne savait jamais comment il se déroulerait, cela faisait le charme de ces rencontres non préparées. Pris à ce piège la première fois, il restait toujours passif, abandonné comme une victime impuissante devant cette attraction irrésistible. Ce n’est pas courant de rencontrer une femme qui vous laisse peu de liberté sensuelle en imposant sa puissance émotionnelle. C’était elle qui conduisait la gradation, qui faisait monter la pression, qui vous embarquait dans l’extase ou vous laissait sur votre faim. La prochaine fois ne sera que plus explosive à condition de la forcer pour qu’elle aille au bout de son allumage, comme une fusée qui transperce la stratosphère en cherchant les étoiles.

Toujours, il se demandait jusqu’où irait cette comédie érotique à très forte intensité. Conduira-t-elle jusqu’au drame ? Il savait juste que chaque rencontre, apparemment fortuite, le porterait à forte émotion. Il était prisonnier idéal et elle dominatrice, tous deux l’avaient compris.

Ce jour-là, le disant trop tendu, elle entreprit de le masser avec une balle de tennis. Lui imposa de se coucher parterre et se mit à rouler sa balle partout sur ce corps allongé. Puis s’étendit dans un corps à corps comme un roulement à bille, la balle toujours en mouvement entre eux deux, d’abord sur le dos puis sur la poitrine et le ventre. Elle surveillait ses réactions, lui massait les tempes puis les pieds. Il n’était plus qu’un jouet passif entre ses mains, ses yeux perdus dans l’abîme de son regard d’un azur profond. Il a fini par s’endormir.

Elle est restée à côté à bouquiner pendant son sommeil. A son réveil, elle lui a souri. Déjà sur le départ, elle lui souffla, l’œil coquin : « la prochaine fois, je t’emmène ».
Il s’était accoutumé à ce chaud et froid qui rythmait des plaisirs si contrastés. Un coup l’allumage faisait long feu, un coup la longue ascension vers le septième ciel brûlait tout le carburant de son réservoir. Alors vidé, surpris de son éclatement soudain mais heureux d’être vanné. Elle était pilote aux commandes et le conduisait à sa guise.

Mathilda et Evora se ressemblaient beaucoup. Toutes deux un peu perdues, et si Mathilda semblait savoir ce qu’elle voulait, ce n’était qu’illusion. Son jeu « je te prends, je te laisse, je fais ce que je veux » n’était qu’aveu de ses errances. C’est cette fragilité qui hypnotisait et la rendait désirable… le temps d’une forte émotion seulement car elle était ingérable le reste du temps. Elle dégageait l’image d’une grande instabilité à faire frémir le plus solide des gaillards.

Une énigme déstabilisante faite femme, à la fois intrigante, attirante, conduisant toujours à l’effet répulsif. Désespérément seule, elle n’avait que des amis éphémères. Tous finissaient par capituler, incapables de cerner une personnalité si forte, toujours contradictoire, attractive et fuyante à la fois. Une complexité troublante qui passait son temps à vous filer entre les doigts avant de se perdre dans le brouillon de ses sentiments.

Tellement troublante.

Ou alors cette image, s’occuper du sud en ignorant le nord.

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