Monsieur Jourdain

C’est à la faveur d’un commentaire que je me suis rendu compte que j’usais de figures de style sans le savoir.

Dans le texte « Qui sont ces fantômes qui souffrent sur nos têtes », j’usais donc de l’anaphore comme Monsieur Jourdain faisait de la prose sans le savoir. Je cherchais à paraphraser le « Moi président… » de François Hollande en abusant du « Moi décédé… » qui s’est transformé, lors de la dernière conférence de presse présidentielle, en « Moi décidé… » Amusant non ?

Ainsi donc, quoiqu’on fasse, on se trouve pris dans les mailles d’une figure de style qu’on le sache ou non et qu’on pratique sans être au courant.

En faisant un léger retour sur mes textes, je me suis rendu compte que j’ai pratiqué  l’apophtegme, sorte de parole ayant valeur de maxime, L’analepse en racontant des événements après coup, la digression en introduisant des propos étrangers au sujet traité et dont je suis familier, la parrhésie en disant ce que l’on a de plus intime dans « En attendant qu’elle vienne », l’hypotaxe par l’enrichissement des propositions coordonnées et les mots de liaison, le kakemphaton en réalisant des calembours, la circonlocution forme d’ironie destinée à masquer un embarras… et, j’en suis sûr maintenant, bien d’autres figures de style au nom tarabiscoté bien vite oublié. Oublié son nom comme sa définition. D’ailleurs dans ce seul paragraphe, cette longue phrase plutôt, on peut y dénicher moult figures, si l’on se donne la peine de chercher.

Me voilà pris dans le syndrome « Monsieur Jourdain » en malade imaginaire.

C’est grave docteur Molière ?

–          Non, du tout. Si vous pratiquez sans savoir que vous pratiquez, tout va bien. Si vous êtes conscient de votre pratique, vous tombez facilement de Charybde en Scylla puis de Scylla en Charybde et le cercle étant vicieux, il vous tourne en bourrique.

–          Donc, docteur, je me portais bien jusqu’à ce que j’aille fourrer mon nez dans les figures de style ?

–          C’est c’là… tournez sept fois sur vous-même, lâchez prise et lâchez vos mots comme ils viennent puis vos maux disparaitront.

Sacré Momo va !

Aujourd’hui je me sens espadon bien plus que poisson scie… Si, si, je pourrai plus facilement retirer mon long nez des mailles des figures de style.

 

 

1 Comments

  1. J’ai plaisir au maniement de la langue comme on roule sur la langue un bon vin, une bouchée de lapin-paquets … comme l’on retaille un cliché, passe et repasse le rateau sur la terre émiettée, relis un texte émouvant, savoure le mot fauvette apposé sur le portrait d’oiseaux auquel il va si bien … admire encore les textes concis et pourtant si riches du Hareng … m’émeus aux histoires d’enfants poussés tortueux …
    Mais je laisse bien volontiers les mots de la technique aux agrégés dont c’est le métier d’appeler de mots ésotériques l’expression et les formes d’expression de sentiments, d’émotions, d’enthousiasmes, de détestations.
    Ajouterais-je que cette technicité m’a éloigné du plaisir de la lecture des textes classiques pendant longtemps. Je les avais associés à la corvée de la dissection académique des propositions subordonnées conjonctives de … tout ce que l’on voudra. Subtilités vaines que l’on m’imposa enfant à l’école avec une palanquée d’autres respectables peut être mais dissuasives assurément.
    En somme merci à Molière … je me traînais une culpabilité sourde depuis des décennies d’avoir négligé le nom techniques de figures de style.
    Il était temps que vous me fournissiez une telle référence absolutoire.
    Merci

    Comme vous désormais, libéré du filet je m’en irai le nez au vent de mes inspirations de plume, de coeur et de sentiments.

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