C’est pas ça le bonheur !

Philosophie enfantine.

Bonheur grenadine à la terrasse d’un café.


Nous étions en grande discussion, le timbre haut, autour de la table.
Elle s’était assise à côté de moi et sans prévenir, me tapa sur le bras pour m’adresser : « C’est pas ça le bonheur ! »

Je n ‘ai pas compris. Ni tout de suite ni après lui avoir posé la question pour savoir de quoi elle parlait. Normal, elle n ‘avait pas encore trois ans. Elle avait dû entendre cette expression un jour lorsque la voix montait en tonalité et là, c’était le cas. Une sorte d’inquiétude qu’on exprime ainsi. Sa sœur âgée de cinq ans, se rebiffait vertement à chaque réprimande : « C’est pas ça la vie ! ».
J’y voyais une similitude dans l’expression de la révolte.

On n’est pas philosophe à trois ans. Mais l’est-on un jour ? Si la vérité sort de la bouche des enfants, peut-être l’esprit de philosophie se dégrade-t-il en vieillissant. Son côté spontané s’en trouve altéré par l’excès d’analyse, ficelé par le trop penser. On ne pense pas le bonheur. Ce n’est pas en arrivant au bout de la vie que l’on a compris où il se niche. La vie, il faut la vivre et non la dicter.
Y-a-t-il un moyen de se la couler douce en pensant qu’on nage dans le bonheur ?
Vue de l’esprit seulement.
On ne profite pas ainsi de l’expérience des autres. Ce qui convient à l’un ne va pas forcément à l’autre, sinon comme un permis de conduire, il suffirait de prendre quelques leçons de code et de conduite, de « vivre heureux » pour se pâmer au quotidien et se planter aussi car nul ne vit baignant dans un sérum physiologique.

Le bonheur, c’est sans doute ce que l’on cherche et qui nous file entre les doigts perpétuellement en rendant les brefs instants que l’on croit heureux, plus jouissifs. Chacun aspire à ce qui fuit.

Probablement parvient-on à quelques instants de magie occasionnelle, contrebalancés par des moments moins joyeux, pour exister un peu. Les contrastes, sans les contrastes, point de vie et point d’émois.

Je me disais, en rêvassant, peut-être que les instants heureux sont cette proximité avec cette petite fille qui vous donne de l’importance en vous sollicitant constamment. Elle vous prend par la main, vous invite à la suivre, à vous asseoir dans un endroit impossible, vous oblige à retomber en enfance pour de vrai, jamais pour de faux. Un enfant qui vous réprimande avec son index, vous donne la leçon et vous commande de rester sage, de manger proprement et de bien faire popot.
Vous vous surprenez à jouer presque sans jouer puisque vous êtes sous influence. Curieux comme ce monde de l’enfance se calque sur celui des adultes. Vous ne maîtrisez plus rien, vous n’êtes qu’une marionnette qui obéit aux fils que l’enfant tire à sa guise. Lui ne joue pas. Peut-être nage-t-il dans la satisfaction en ayant ce pouvoir de grand qui guide le pépé devenu petit bébé.
C’est sérieux le bonheur.
Ne vous avisez pas à casser cet instant avec une remarque d’adulte. C’est trop précieux, il faut demeurer dans l’imaginaire enfantin.
Presque un paradoxe puisque les rôles sont inversés.

Le bonheur d’être dominé par un enfant, de cesser de se prendre pour celui qui sait et ne sait pas grand-chose. Le plaisir d’être conduit sans se forcer et sans s’opposer. Ce n’est pas faire semblant, c’est entrer dans la douceur des choses de la vie, dans l’ingénuité, la légèreté, l’insouciance… Un monde qui n’existe pas et se trouve pourtant à la portée de tous.

Le bonheur c’est compliqué parce que trop simple.

J’ai gardé l’âme juvénile, l’esprit taquin et le plaisir coquin. Ainsi, suis-je encore un petit malin qui, de temps en temps, se roule dans de bonnes jouissances en croyant se vautrer dans un champ de bonheur.

Comme un Dieu investi du don d’ubiquité et dont on ignore l’existence, on devine le bonheur à chaque instant joyeux croyant tenir ce paradis qui se dessine et s’efface pour apparaître plus loin.
Surgissant ici, fuyant par là comme un furet taquin, nous entraîne dans une course sans fin…Lorsqu’on croit le tenir, il a déguerpi.

On court, on court
Après le bonheur…
Et si l’on s’arrête,
Il file en cachette…
Et puis,
Vous retombe sur la tête
Pour faire une autre fête…

N’est-il pas, le bonheur,
Ce petit instant de sourires
Parce que d’autres nous ont fait pleurer ?

A faire flamber la vie.
Papillons : les flambés.
Gambader dans une prairie en croyant que c’est le paradis…

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