J’ai passé une bonne partie de mon adolescence à traquer la truite de nos montagnes.
J’ai des souvenirs inoubliables, par monts et par vaux, par temps sec ou orageux, de mes parcours au bord des ruisseaux, ces moments forts dont je rêvais la nuit.
Des rêves éveillés le plus souvent en anticipant tous les pièges possibles qui m’attendaient sur le trajet.
Je craignais l’accident car souvent j’étais seul alors que je ne savais pas nager.
Je partais bien avant le jour en ayant très peu dormi, refaisant cent fois le chemin pour me rassurer. L’air vif de l’aube, le petit vent frais qui remontait le cours d’eau et l’idée de faire une bonne pêche m’encourageaient, de sorte qu’une fois parti, je ne craignais plus rien, une seule chose m’obnubilait : Vais-je faire une bonne pêche ?
Je consacrais ma nuit aux calculs et stratégies afin de libérer tous mes instincts, toutes mes sensations, durant ma partie de pêche.
Lorsque je passe à proximité d’un torrent, je m’engage sur sa rive la plus accessible et je voyage dans le passé.
A chaque fois, je revoyais le sourire de grand-mère lorsque la musette alourdie de truites, était posée de manière ostentatoire sur la table de la cuisine. J’avais l’impression de présenter un trophée important en m’affalant sur une chaise, comme un homme fourbu, pour mieux apprécier en catimini le regard de l’aïeule. Je me souviens de ses yeux rieurs en imaginant bonne friture pour le diner.
L’idée d’une grand-mère fière de son petit fils m’encourageait à explorer chaque méandre pour faire bonnes prises, la savoir contente me motivait encore plus.
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En chemin vers la rivière, rien d’autre ne comptait plus, j’avais oublié les dangers, j’étais mécanisé au parcours pour l’avoir visualisé une bonne partie de la nuit.
J’étais en roue libre, l’esprit totalement porté sur l’ici et maintenant.
Aujourd’hui, c’est fini.
Que de belles images 🙂 Vous me rappelez une virée il y a une quinzaine d’années avec un vieil ami en Haute-Corse. Nous nous sommes arrêtés devant une bâtisse dont rien ne disait qu’il s’agissait d’une auberge et à la demande de mon ami ils sont allés nous chercher des truites dans le torrent tout proche. Qui n’a pas goûté à ces truites sauvages ne connait pas le goût de la truite. Ca c’est la vraie vie!
La vraie vie comme vous dites 🙂