Avec l’âge avançant et l’activité s’amenuisant, il ne faut pas croire que je suis une sorte d’aventurier qui baroude autour du globe. Je ne l’ai jamais été. Je vagabonde surtout dans ma tête.
Donnez-moi un petit bout de jardin, avec mon kodak, je vous ferai découvrir un monde. Je vous emmènerai par monts et par vaux alors que je fais juste le tour de la maison.
Montrez-moi les étoiles et je vous raconterai les galaxies. Je vous dirai ces lux lointains qui clignotent alors que certaines étoiles sont éteintes. Même la vitesse de la lumière a pris du retard et propulse l’écho de ses « scintilles » comme une buche incandescente jette ses étincelles.
Fichez-moi un coup de blues, dites-moi la tristesse et je partirai dans le Grand Nord. Je m’engouffrerai dans la forêt canadienne à la recherche de sensations fortes. Je devinerai dans la nuit au bord d’un lac, en lisière de forêt, les bruits et les manies d’un hibou en maraude. Ses ailes silencieuses frôleront mon visage pour porter son grappin sur un rongeur en sortie nocturne, trompé par une lune trop vive.
Annoncez-moi la tramontane, je vous dirai le vent qui gronde, qui s’énerve tout seul, qui vous pousse et vous bouscule parce que vous avez été trop sage. Il se fiche de vos états d’âme. Il sait tout faire mais préfère surprendre : caresser, chauffer, pincer, fouetter, cingler, emporter… Il est brise, foehn, nordet, mistral, bise ou tornade.
Il sait aussi souffler dans les voiles pour vous guider vers des paradis terrestres ou vous chasser dans une terrible tempête, jouant avec l’océan pour vous faire fétu de paille, un « rien du tout » jeté en pâture sur les flots déchaînés.
Donnez-moi un autre coup de blues et vous me trouverez du côté de Lulea au nord-est de la Suède. Vous me verrez, errant dans les rues humides puis glacées, brillantes et tremblantes sous la lumière des lampadaires orangés. Je vous promènerai dans une ville nordique que je ne connais pas mais que je sais m’inventer.
Parlez-moi du passé, je referai ce chemin avec vous. Un stock inépuisable de souvenirs dort dans ma tête, je le réveille au gré de mes humeurs du moment. C’est ainsi que je nourris « l’ici et maintenant » en le mettant en perspective avec « l’avant » que l’on appelle le passé.
Pour le futur et l’ailleurs, pour tout ce que je ne connais pas, j’ai l’imagination féconde et l’envie permanente de m’inventer des mondes. Le réseau de mes neurones est infini, les voies sont nombreuses pour parcourir la vie et la mort aussi.
La mort ? Je préfère la vivre de mon vivant de crainte qu’elle ne soit néant.
Je m’invente des rencontres, je parcours le cimetière pour imaginer toutes ces vies envolées. Je m’arrête devant une tombe et je me souviens, puis je glisse vers des côtés obscurs à la lumière de ce que je sais.
Je ne fais aucun pari sur l’au-delà, c’est la grande énigme de ce monde.
Je préfère mourir vivant, voyager à travers ciel à m’inventer des refuges où je pourrais vivre aussi. Continuer à regarder, tapi dans un recoin obscur à observer la suite de tous les miens.
Inventer, toujours inventer et non supposer car je la veux bien douce, à ma convenance, à ma mesure…
Je me prépare.
J’aurai couru le monde puis parvenant au bout de mon possible, je regarderai une dernière fois derrière moi, l’esprit rempli de tout ce que j’ai aimé et je glisserai dans l’abîme…
La suite, je ne la connais pas.
Je suis bien capable de vous inventer cet autre monde mais aujourd’hui je n’ai pas envie de le visiter, je préfère me tourner vers mon Fuji-Yama..
Le plus, plus… lorsque le ciel vous interpelle.
Belle réflexion sur vous 🙂
Gyslaine, j’ai raté la case réponse, je vous ai répondu plus bas.
pas grave 🙂
Oh les beaux nuages lenticulaires ! J’en ai vu beaucoup de blancs mais jamais de rouges/roses, fabuleux.
On ne peut que vous suivre dans vos tribulations rêveuses, nous en sommes tous au même point et seuls les sages savourent cette vie si follement belle…
c’était un crépuscule à m’envoyer dans les cieux.
J’adore cette atmosphère qui interroge et puis m’embarque.
La vie est belle, en effet, je prends toute ma part.. au point de dire, parvenu au bout de l’aventure : c’est dommage, j’étais si bien…
« Malgré tout je vous dis que cette vie fut telle
Qu’à qui voudra m’entendre à qui je parle ici
N’ayant plus sur la lèvre un seul mot que merci
Je dirai malgré tout que cette vie fut belle »
Cela me convient parfaitement, j’ai beaucoup aimé ses textes chantés par Léo Ferré.
Je cherche à peser sur mes jours pour sentir le poids de la vie.
Il est encore temps et j’ai l’impression d’être acteur de ma vie.
Bonne soirée Gyslaine. 🙂