Oui ou non ?

De temps en temps, il me prend un « coup d’école » comme un coup de blues.
Je ne peux m’empêcher de repenser à mon parcours d’enseignant, un peu à la marge.
C’est normal, la pédagogie est une matière vivante qui se meut tout le temps.

Je vais vous ennuyer un peu.

J’avais remarqué, dans certaines classes, que l’on pratiquait trop souvent le questionnaire « oui/non » pour sonder la compréhension d’une lecture.
Les enfants en raffolaient, les notes étaient canon, mais l’incertitude jamais levée.
Ce n’est pas avec le procédé Zanini qu’on éveille l’esprit critique.

« Oui mais voilà réponds-moi
Non ou bien oui
C’est comme ci ou comme ça
Ou tu veux ou tu veux pas »

Il ajoutait « Si tu veux pas tant pis, j’en ferai pas une maladie ! »

En pratiquant cet exercice scolaire très prisé dans les classes, c’était pareil.
Le chanteur en faisait humour, l’enseignant se mettait doigt dans l’œil.

L’exercice, en effet, était très pratiqué, on le trouvait simple et surtout rapide. Pas du tout chronophage, en cinq minutes c’était plié.
Mais qu’en était-il de la compréhension réelle d’un texte avec un tel procédé ?

Selon l’institutrice (eur) qui prenait la suite, l’année suivante, avec un autre procédé qui approfondissait davantage, certains parents tombaient des nues en constatant la chute des notes.
En affinant davantage, avec un questionnaire qui faisait intervenir les nuances, la compréhension fine, c’était une autre histoire plus proche de la réalité.

J’avais demandé l’autorisation de tenter une expérience dans quelques classes en proposant une imposture.
Cela semblait beaucoup amuser les enseignants mais c’était du très sérieux.
Ils n’en saisirent point l’intérêt sur le champ.

Voici la consigne et le protocole que je proposais aux enfants.

Je vais vous soumettre, vous proposer si vous préférez, un questionnaire sur une lecture que vous ne connaissez pas encore, que vous lirez après avoir rendu vos feuilles.
Voici le questionnaire, lisez le bien, ne vous inquiétez pas, c’est fastoche, vous trouverez facilement les réponses.
Vous avez cinq minutes pour répondre en cochant les bonnes cases
: oui ou non.
(Il y avait dix questions simples, du genre :
Le personnage principal de l’histoire est une fille -oui/non- )

J’avais imaginé avant le coup qu’il y aurait quelques bonnes réponses au-delà de 5/10, cela constituerait l’objet d’un débat entre élèves.

En rendant les copies, certains étaient fiers de leur résultat :

« Tu as vu j’ai 7/10 », d’autres tiraient la tronche avec un 2/10, seulement.

Très intéressant. Trouvez-vous normal que Julien obtienne un 7 et Julie un 2 ?

Ce débat fut très fructueux car Julien n’était pas le meilleur, d’ordinaire.
Ne pas connaître le texte et obtenir une bonne note comme une mauvaise n’a pas de sens.
Cela nous a conduit à faire remarquer que le procédé que je nommais « exercice Zanini » avec les adultes, l’humour arrondissant les angles, est de la même veine.
Même après la lecture d’un texte, on n’est jamais certain que l’enfant qui obtient 10/10 ait tout compris. Certains bénéficiaient de l’effet « pile ou face » pour quelques réponses justes.
Il n’est jamais sûr, avec un tel questionnaire, que les bonnes réponses soient la marque d’une compréhension certaine.
Il fut facile de conclure qu’il fallait changer de système pour une approche plus fine. Evidemment, approfondir prenait du temps et pour aller plus vite on utilisait un questionnaire discutable qui tout compte fait, distribuait des notes trompeuses.

J’avais suggéré pour ces moments de rapidité, d’introduire des nuances afin de briser le pile ou face du oui/non. On y ajoutait « peut-être », « jamais », « toujours », « quelques fois »… mêlés, selon les cas.

Ex :
Le chien de la fillette s’appelait « Wouaf » (oui- non – peut-être – aucune idée). Aucune idée au cas où le nom du chien n’était pas mentionné. « Aucune idée » prenait nuance sur le « non ».
Lorsqu’elle allait à l’école à pied, Sophie passait devant la pharmacie. ( quelques fois – jamais – toujours – seulement le lundi)
Cela valait quelques secondes de plus, certes, mais les enfants apprenaient à jouer un peu avec les nuances.

Evidemment, dans la semaine, on pratiquait au moins une fois, un exercice plus élaboré qui demandait des réponses plus précisément formulées, parfois même avec des citations du texte. C’est ainsi qu’on devient lecteur en fouillant dans les récits.
A cet effet, je proposais des textes sur feuille, les enfants avaient le droit de souligner, d’entourer, de barrer et même d’annoter, c’était plus rare… De cette manière, ils sculptaient leurs réponses.
Avec le temps, ils devenaient des artisans des mots, des phrases et des paragraphes et puis intervenait le temps de la lecture plaisir au cours duquel chacun lisait à sa guise sans rendre de comptes à personne.
Là, ils avaient une paix royale.

Entre exercice imposé et la paix royale, on trouve l’équilibre.

Plantes photographiées dans un ravin.
Chicorée en bleu et grande mauve.

5 Comments

    1. Bien Al, le 10 sur 10, bien plus qu’un 3 sur 3 même si c’est pareil, est amplement mérité 😉
      Demain, ce sera encore plus surprenant, il est tout frais, je viens de l’écrire.
      Aujourd’hui, j’ai déambulé mais aucun cliché.

  1. Hahahaha Zanini ! il habitait l’immeuble mitoyen au mien pendant mon enfance. Sa maman était adorable. Lui on redoutait un peu ses soirées quand il s’exerçait, fenêtres ouvertes, avec son saxo !!! je n’avais pas compris à l’époque (mais j’avais 8 ou 10 ans) quel artiste il était !

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