Noël est une image.

Ce texte qui prend de l’âge pourrait s’intituler : Le marronnier de Noël.
Tous les ans à portée de Nativité, je le ressors invariablement…

J’avais écrit ce conte de Noël, surprenant sans doute, inhabituel aussi, pour ma petite fille Leia, en 2012. J’ai voulu mêler merveilleux et réalisme pour coller au plus près de l’esprit de ce blog  « Les choses de la vie ».

Il était âgé de 8 ans.
Jérémie vivait au Canada en lisière de forêt au pied du mont Athabasca, au bord du lac de même nom.
Sa mère paraissait très malade depuis un bon moment déjà. Jérémie le sentait bien malgré le silence de ses parents. Aucun médecin, aucune autre âme ne vivait à proximité de leur demeure faite de troncs d’arbres. Secrètement, l’enfant rêvait de sauver sa maman, effacer la tristesse qui habitait leur maison.

Bien avant le 25 décembre, le petit garçon s’était juré de rencontrer le Père Noël pour lui commander ce cadeau qu’il souhaitait si fort : le sourire de sa mère.
La veille de Noël, alors qu’il ramassait du bois non loin de sa cabane, il entendit un son de clochettes semblant venir du fond de la forêt. Il tendit l’oreille et la certitude le gagna : c’était bien l’appel du Père Noël. Il rangea le bois devant l’entrée de sa maison et sans réfléchir s’enfonça au cœur de la forêt. Il ne savait même plus d’où venaient les tintements, il avançait comme un automate. Inconscient du danger qui le guettait, il s’égarait au milieu des grands arbres, le froid le gagnait peu à peu. Lorsqu’il réalisa que la nuit allait tomber, il était trop tard pour rebrousser chemin. L’enfant était perdu au milieu des sapins. Curieusement, aucune peur ne l’envahit. Le Père Noël le guidait, le protégeait, croyait-il dans son for intérieur.
Avec l’assurance d’un trappeur, il chercha un refuge pour la nuit et se blottit dans une grotte à l’abri du vent glacial qui s’était levé. Pendant de longues heures, en attendant le sommeil, il écouta les bruits de la forêt cherchant à les identifier. Le hurlement des loups le laissait indifférent, le craquement particulier des branches lui suggérait l’écureuil, le hibou en chasse, la chute d’une vieille pomme de pin… rien ne l’impressionnait. Même ces deux billes lumineuses pointées sur lui n’engendraient la moindre palpitation. Il devinait le lynx qui le fixait sans s’approcher. Habitué aux voix de la forêt, l’enfant finit par s’endormir.

Au petit matin, un léger frisson le secoua sans autre émotion, Jérémie semblait reposé, il avait juste un peu faim. En clignant des yeux, il sortit de son refuge, s’étira un instant, bâilla avant de jeter un regard circulaire autour de lui… Par quel sentier était-il arrivé là ?
Ses parents devaient s’inquiéter, il fallait retrouver le chemin du retour … le Père Noël n’est pas facile à trouver, pensait-il, un peu découragé.
En levant la tête au ciel, il aperçut un vol de corbeaux parmi lesquels il reconnut Ebène. Ebène était un solide corvidé, sans doute le chef de la bande, que Jérémie avait soigné puis relâché avec un long fil rouge à la patte pour le reconnaître. Cette petite volée revenait tous les matins aux abords de la cabane pour piocher quelques miettes de pain. Le garçonnet repéra le sens du vol et mit le cap sur cette direction. Pas très loin d’ici, des coups de feu claquèrent suivis d’appels que l’écho renvoyait à travers branchages : Jérémie reconnut le timbre saccadé de son père et comprit qu’il le cherchait.
Instinctivement, il se mit à crier pour signaler sa présence. Un long appel, une courte réponse, très rapidement, père et fils se retrouvèrent. L’enfant réalisa qu’il n’était, finalement, pas si loin de chez lui.

De retour à la maison, une chaleur douce l’envahit. Jérémie passa tout près de sa maman étendue sur son lit, la regarda sans rien dire pour ne pas la déranger et se dirigea vers sa chambre.
Bien caché sous ses couvertures, il s’endormit.

Recroquevillé au pied d’un sapin, scrutant la nuit étoilée, le garçonnet s’imaginait affalé sur la lune explorant le ciel où scintillaient des milliers de petits mondes. Des étoiles clignotaient, d’autres semblaient s’éteindre pendant que certaines se décrochaient zébrant le firmament de flèches lumineuses.
Y-a-t-il des êtres qui vivent là-haut ?
La neige se mit à tomber avec une lenteur infinie. Le sommet des arbres devenait nuageux. Le sol déjà cotonneux, vaguement vallonné, s’épaississait d’ouate légère. Des pas s’enfonçaient pressant la neige d’un tassement sourd : le Père Noël se dirigeait vers le garçonnet.

Lorsqu’un baiser se posa sur sa joue, Jérémie ouvrit un œil pour sortir de son rêve. Son papa, penché sur son lit, l’embrassait sans faire de bruit. L’enfant se rendormit sans savoir que sa maman était partie dans les étoiles qui scintillent, là où peut-être habite le Père Noël.  Si elle rencontre le vieil homme un jour de décembre, elle lui demandera d’aller saluer son garçon pour lui donner de ses nouvelles.

La neige continuait à tomber dans un silence absolu, couchant inlassablement son voile prémonitoire sur un rêve d’enfant.

Aujourd’hui, Jérémie est un jeune homme et chaque nuit de Noël sa pensée s’envole vers le firmament. Il cherche derrière les nuages qui filent, parmi les étoiles qui palpitent, le visage de sa maman.
Un filigrane tout blanc suspendu à une planète bleue s’amuse avec lui, apparaissant et disparaissant, souriant et riant… Jérémie ne dit rien, dépose un baiser sur ses doigts qu’un souffle de vent complice transporte à travers l’univers, bien au-delà des proches galaxies…

Y a-t-il des êtres dans la galaxie des trois lunes ?

Il sait que la vie continue et que sa maman apparaitra dans le ciel, chaque année, dans la nuit de Noël…

C’était ce matin devant ma fenêtre, je regardais naître le jour…
Un joli décor pour adoucir la vie…

2 Comments

  1. Je ne sais pas comment faire un smiley qui a des larmes dans les yeux…
    Beau conte, Simonu, triste mais plein de tendresse.

  2. Une idée soudaine, j’adore le Nord Canadien dont je ne connais rien.
    Une envie de cadrer avec les choses de la vie.
    Pour le smiley, je suis un ignorant en la matière 😉

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