Ces fleurs sauvages, juste sous l’école de Lévie. (Cliquez sur la photo)
C’était la fin de ma carrière. Une petite fille de CE1 pétillait au beau milieu de ma classe. J’avais compris qu’elle était là pour aller à l’école et qu’elle n’avait point besoin de moi pour s’épanouir, pour apprendre. Elle souriait d’un sourire paisible comme une assurance, une confiance plutôt. Les autres avaient besoin de moi bien plus qu’elle, il me semblait qu’elle avait compris.
Mes questions étaient simples, elle levait le doigt souvent, quasiment tout le temps. Il fallait faire de la place aux autres, savoir ce qu’ils avaient retenu pour enrichir leur horizon. Je l’avais prise à part, un jour, dans la cour de récré pour lui dire que je savais où elle en était. Lui expliquer que je la solliciterai moins souvent pour laisser de l’espace à ses camarades. Elle m’a souri et n’a rien dit. Je la regardais clignoter, impatiente de s’exprimer, mon doigt se pointait vers un autre, une autre, dont le besoin de parler, d’exister, était bien plus urgent. Il fallait cueillir ces moments où la timidité s’effaçait, le manque d’assurance s’estompait ou simplement le courage de l’instant parvenait à poindre pour exprimer une pensée. Je savais combien il était important de donner à Jacques, Pierre ou Pauline l’occasion de prendre la parole. Léa me souriait et jamais ne montrait la moindre déception de n’être sollicitée alors que son doigt s’était levé bien avant celui des autres. Je veillais à lui donner la parole pour une respiration nécessaire. Jamais, elle n’a baissé son sourire, presque complice. Solide ma petite Léa, inlassablement dans le sens de la vie sans jamais montrer un instant de faiblesse. Son cahier toujours garni de bonnes remarques… je n’ai pas souvenir de la moindre faiblesse.
Comment a-t-elle fait pour tenir ainsi ? Le soir, en rentrant chez moi, je méditais. Etait-ce suffisant de lui avoir expliqué ? De lui avoir dit, j’ai compris que tu sais, on laisse la place aux autres ? Je ne l’ai pas négligée, bien au contraire, je me questionnais, je pensais qu’elle était forte et qu’elle n’avait pas besoin de moi. J’espère simplement ne pas m’être trompé. Ce fut une année seulement, elle a eu le temps de m’oublier.
Voyez comme la vie marque. Toutes ces images déjà anciennes me reviennent aujourd’hui. Je ne m’inquiétais pas pour elle, bien au contraire, j’imaginais un avenir heureux.
Aujourd’hui sa famille vit un drame. Tout m’est revenu à la figure. Des gens discrets, une famille unie, solide, heureuse… Ma petite Léa, je ne t’ai pas oubliée.
La vie continue.
On croit oublier…et puis les choses nous reviennent en mémoire et nous interrogent ….On se repasse le film sans paroles et les non dits se mettent à nous parler…et nous faire douter…
C’est votre histoire et il serait peut-être indécent et importun d’y intervenir. Pourtant le texte vaut attention tant il est dense et sensible. Cela, on peut vous le dire. A te relire