L’école d’hier, d’aujourd’hui, de toujours. Faut-il en rire ou en pleurer ?
L’école est en mouvement perpétuel, un vaste champ d’investigations jamais satisfaites, jamais satisfaisantes. Certains s’en félicitent : matière vivante ne peut être figée à jamais ; d’autres ronchonnent et pleurent sur le passé. Une matière si diverse peut-elle s’accommoder d’une action univoque et définitivement connue ? Peut-on croire à l’égalité des chances, là où il est plus facile de couper toutes les têtes qui dépassent qu’espérer le fleurissement général ? L’égalité des moyens, peut-être, mais peut-on décréter l’égalité des chances.
La réalité et le pragmatisme nous enseignent que le 1 a autant besoin du 9 que le 9 du 1 pour faire 10. Ils s’offrent également toutes les possibilités pour parvenir à ce résultat : (2+8) (3+7) (7+3) (5+5)… etc. La morale et le dogmatisme se battent ou se débattent pour tendre vers « l’équilibre 5+5 » feignant d’ignorer toutes les autres écritures ou cherchant ouvertement à les éliminer, croyant obtenir un 10 meilleur. Une chimère ne peut qu’engendrer un mythe. Egaliser les chances consisterait à sortir du temps, de l’espace et donc quitter la vie.
Alors, il y a eu les grandes cathédrales de la pédagogie et de la psychopédagogie H. Wallon, J. Piaget, Freinet, l’influence Dolto, J. Hébrard, E. Charmeux, Ph. Meirieu… Plus ou moins grandes cathédrales, puis les petites chapelles : méthode globale, mixte, syllabique, pédagogie de l’intérêt, interrogative ou socratique… Aujourd’hui, technologies nouvelles, un peu, beaucoup, suffisamment mais pas trop. Demain, la méditation ? Et le grand balancier de la directivité/non directivité qui traverse les époques tantôt dans un sens tantôt dans l’autre. Lorsqu’on a trop pratiqué l’un, on croit découvrir l’autre et ça repart en sens inverse.
C’est l’école de toujours.
Aujourd’hui, les violences à l’école, les 80% de réussite au bac (pourquoi pas 100%, l’égalité/parité aurait bien porté son nom)… Décréter une réussite est un non sens puisqu’en étant donnée, elle perd le mérite de réussir. On laisse croire que l’enseignement a été si bien distillé que la réussite est au bout, alors qu’elle se retrouve devant nous, sèche, souvent sans valeur, sans raison car elle a été mal partagée. Tous ces échecs et fausses réussites interpellent, le débat bat son plein ou son vide. Attendons la suite.
Avant ? C’était mieux ! Les vieux qui ont été jeunes, parlent de leur temps. Les jeunes qui seront vieux parleront du leur, peut-être de la même manière. Le passé c’est souvent le bon temps. Peut-être l’angoisse de la mort qui approche, allez savoir ! Oui, alors ces vieux ? Que leur reste –t–il de l’Ecole ? Si nous lorgnions du côté de nos meilleurs diplômés ?
Qu’en est-il du comportement des élèves d’antan et de naguère ? Tournons le regard sur leurs pratiques d’aujourd’hui, peut-être y trouverons-nous quelques restes de leur passage par l’Ecole.
Nicolas Sarkozy fait l’école buissonnière en ne se rendant pas à l’ouverture du Salon de l’Agriculture. On ne boude pas comme ça les bancs de la Porte de Versailles le jour de la rentrée.
Notre cher Claude moins Allègre pris en flagrant délit de « cent-fautes ». Plutôt gênant pour un ancien ministre de l’Ecole.
Francis Delattre maire UMP de Franconville (Val d’Oise) qui se trompe de fiches en pompant sur le casier judiciaire d’un concurrent. Et de couleur, de surcroît.
Notre ami « Peillon la balance » dénonce ses petits camarades Madelin et Devedjian qui ont fauté à la récré dans les années 60. Rapporteur, va !
Georges Frêche qui taquine Martine, et lui aurait bien tiré les nattes si elle en avait eu, après avoir bousculé le camarade Fabius. Doux camarade qui s’est presque laissé faire et très peu plaint. Il y en qui ne caftent pas ; il a dû être un excellent vrai écolier.
Notre « Orange » pressé et peut-être trop pressé d’arriver, boude dans un coin de la cour. A peine grognon en attendant son heure. Et ses copains qui le lâchent un à un. La camaraderie fout l’camp.
Julien Dray obligé de repartir à zéro pour se refaire une santé après avoir été chahuté par ses petits copains pendant les cours.
Frédéric Mitterrand qui change souvent d’école. Passe de la Villa Médicis à la Culture puis au Métro pour y retrouver la vraie musique. Turbulent modéré, il ne tient pas en place.
Mamère qui ne porte pas toujours bien son nom, n’en a que pour ses copains. Il montre les dents dès qu’un élève d’une autre classe ouvre le gosier. Toujours prêt à bondir sur l’intrus, la vérité sort de sa bouche. Heureusement qu’il n’a pas poursuivi davantage ses études… quoique, il aurait pu être moins mordant en restant sur les bancs de la communale.
Dany de chez nous, d’Allemagne et même d’ailleurs qui bouge tout le temps, devient rouge pendant les cours, interpelle les copains sans se soucier du professeur. Gentil garçon tout de même ; après avoir annoncé les pires catastrophes à l’élève Bayrou, lui serre la main et l’invitera chez lui bientôt. Je vous le dis, faut pas se fier aux apparences, individuellement les écoliers ne sont pas méchants.
Le plus adorable, son maître le soutient, le gronde mais pas devant tout le monde, celui qui courbe le dos car il penche sous la charge. « Peut mieux faire » sur son dernier carnet baisse de popularité. Le prototype du bon élève de naguère. Gentil, timide, studieux, appliqué mais attention, il doit être capable de grosses colères. Les timides c’est comme ça. Vous l’avez reconnu ? Je m’en doutais, oui c’est Fifi !
Les députés qui chahutent à l’étude du soir. Et là, le surveillant général de l’Assemblée n’a aucune autorité. Ils tapent sur les pupitres, donnent de la voix, des pieds et parfois quittent les lieux pour montrer qu’ils sont grands, EUX. Na !
Enfin pour clore la liste qui pourrait s’éterniser, même les jeunes, pas encore vieux, ne parviennent plus à retenir leurs leçons. Nos olympiques skieurs se plantent le jour de leur examen. Ils avaient pourtant un contrôle continu exemplaire et un carnet des plus prometteurs. Le trac, le terrible trac de chez nous.
Je vous le dis, la France pays de cocagne et de petits malins, où l’ECOLE laisse des marques de passage indélébiles, pas forcément les meilleures chez les meilleurs et pas forcément les pires chez les besogneux.
Mieux vaut en sourire, nous ne sommes pas sortis de l’auberge.
L’Ecole n’a pas fait et ne fera pas ce boulot parce que ce n’est pas le sien, elle n’en a pas l’exclusivité. L’espoir est devant nous comme la carotte, inaccessible devant le nez de l’âne. Allez hue ! Avançons !
Je vous donne rendez-vous, dans vingt ans, pour le même discours. Mais je crois que je serai, bien loin, dans les nuages au pays des rêves.