Loin du village natal.

Encore une anecdote lévianaise dans un stade parisien.
C’est une reprise, je régénère les textes anciens.

Nous étions vers la fin des années 70. Il m’arrivait d’aller, en fin de semaine, à la rencontre de mon frère qui habitait à quelques pas des Champs Elysées.

Le plus souvent, c’était pour assister à un match de gala, au Parc des Princes, surtout avec la présence de Santos le club brésilien. C’était spectacle assuré.
Quelques fois, je regagnais Versailles aux environs de minuit, seul sur le quai du Pont de l’Alma. Aujourd’hui, ce serait de la folie, même avec une mitraillette, je ne m’y hasarderais pas.
Lors de mon retour estival au village, j’avais aplati une fourchette en fer et entouré le manche de sparadrap pour une bonne tenue en main. Je l’avais toujours dans la poche arrière de mon jean lorsque je me rendais à Paris et que je rentrais après minuit. C’était, pensais-je un minimum pour ma défense en cas d’agression. Je n’ai jamais rencontré personne
Pour ne pas perdre de temps, nous nous donnions rendez-vous au bar des Trois Obus à proximité immédiate du stade. Parfois nous rations cette escale comme le jour où nous nous sommes retrouvés sur le quai du métro St Philippe du Roule vers minuit, bien après la fin du match. Nous étions deux à descendre à cette station, moi en début de rame et lui sortant du dernier wagon. Deux frères égarés de leur Navaggia natale se retrouvaient presque par hasard dans une station de métro parisien juste au milieu de la nuit, avouez que ce n’est pas banal.

Lors de la venue du Sporting de Bastia dans la capitale, nous y étions plus nombreux, originaires de l’île, avec l’espoir de rencontrer des connaissances insulaires. Nous étions quasiment certains de retrouvailles joyeuses sans savoir lesquelles. L’effet de surprise était toujours très apprécié.

C’était un match de coupe contre Brest. Nous avions invité quelques amis continentaux , amis, qui parfois découvraient le foot dans un grand stade et se montraient encore plus motivés que nous pour soutenir les bleus dont ils ne savaient rien. Affublés de la tenue bleue et blanche, écharpe en bataille et casquette bleue vissée de travers, ils donnaient de la voix et du geste bien plus que les insulaires qui nous entouraient. Nous étions surpris de les voir gesticuler et crier de la sorte, nous les encouragions en oubliant notre contribution, plus attirés par leur attitude que par le match. Ils étaient venus pour faire la claque et ne s’en privaient pas. Ils ne connaissaient rien de la Corse mais se montraient inconditionnels dans le soutien à notre équipe bastiaise, par amitié, sans doute. C’était amusant, rigolo.

Bien avant le début du match, mon frère avait reconnu une voix familière.
Juste derrière nous, Jules s’était installé avec son écharpe de circonstance. L’effet de surprise passé, ce furent les embrassades et le plaisir de se retrouver entre villageois si loin de Lévie. Tout se passait bien pour notre club favori, Jules nous invita à boire un pot à la buvette pendant la mi-temps.

Le comptoir était inaccessible, nous étions trois à quatre rangs derrière les autres.
Jugeant que nous avions peu de chances de parvenir au zinc du bar, Jules leva la main pour annoncer le nombre de bières à la serveuse, en insistant et criant pour attirer son regard :
– Cinq bières ! Vociférait-il par-dessus les têtes.
Il avait oublié qu’il lui manquait deux doigts. Un souvenir de menuisier son premier métier ; il y avait laissé une partie du majeur et de l’annulaire de sa main gauche, je crois.
La dame répondait en écho :
– Trois canettes ? 
Il insistait la main largement ouverte :
– Cinq !
Ils ont fini par se mettre d’accord.

C’est un moment que je n’ai jamais oublié. Je crois même que ce souvenir tient la première place de mes visites au stade parisien. Jules en a beaucoup ri après coup car il n’avait pas, de suite, réalisé l’effet comique de la situation.

J’avais juste envie d’offrir cette petite anecdote à son fils Jean qui se reconnaitra. Je n’emporterai pas ce moment amical avec moi sans l’avoir dévoilé.

Cette photo représente l’équipe de L’Union Corse de l’époque.
C’était la finale de la coupe de Paris au Parc des princes avant sa rénovation. On peut reconnaître Polo de Lévie, gardien de l’équipe, Sylvain mon frère deuxième debout à droite et Emile Mari, l’avant-centre, bien connu en Alta Rocca (Aullène), avec le ballon.
J’ai toujours pensé qu’Emile Mari avait inventé les « papinades » bien avant Jean-Pierre Papin.

Polo et Sylvain, une année précédente avec la même Union Corse.
Une vingtaine d’années plus tard, François, accroupi à droite, prenait le relais de son oncle dans la même version corse de Paris.
François était monté en grade.

1 Comments

  1. Très drôle l’anecdote 😉
    Sinon je vous assure que vous pouvez rentrer de l’Alma à Versailles à n’importe quelle heure sans mitraillette. Il ne faut pas écouter tout ce qu’on raconte à la télé, c’est toujours très exagéré 🙂

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