Moi, prof de musique…

Je vous parle de mon temps, j’imagine que cela existe toujours.

L’Education Nationale recrutait une bonne partie de ses enseignants sans les former au préalable, chacun devait se dépatouiller sinon apprendre sur le tas.
Ce fut mon cas. Il ne faut pas s’étonner des dérives, tout peut arriver avec ce mode de recrutement.
Il y a ceux qui ont de réelles aptitudes pour l’enseignement et évoluent favorablement, on découvre même des pépites qui s’ignorent. Mais combien ne sont pas aptes, qui font ce choix et restent dans l’approximatif ?
Je me souviens d’un prétendant à la titularisation complètement inconscient, persuadé qu’il était un maître de haute pointure.
Il passait son CAP dans un CP.
Il se promenait entre les rangs en fumant et professant à la cantonade comme à la fac. Les enfants, ébahis par ce comportement et surtout totalement largués, incapables de comprendre ce qu’il racontait, étaient, pour certains, au bord du fou rire. Un fou rire qu’ils ne purent réfréner. Ils le regardaient déambuler plus qu’ils ne l’écoutaient.
On aurait dit un sketch, une parodie de l’enseignement.
Au moment de l’entretien, après l’épreuve pratique, il s’assit à côté de l’inspectrice, sortit son paquet de gitanes et lui tendit une cigarette légèrement tirée du paquet comme s’il s’adressait à une copine. Totalement décontracté en apparence, il se donnait une contenance. A aucun moment, il ne se rendit compte qu’il filait droit à l’échec, il était, comme on dit trivialement, « à côté de ses pompes ». L’homme sortait de longues études de fac et avait fait illusion à l’écrit, d’où sa présence ici. Le cas n’est caricatural que dans l’originalité de ce comportement. J’étais membre du jury aux examens j’en ai vu des cas semblables… A tel point que j’ai demandé qu’on me raye de la liste des jurés, j’étais désolé de ne compter que des échecs à chacune de mes présences. Je devais être l’oiseau de mauvais augure, il valait mieux stopper le massacre. Je plaisante à peine. Je souffrais parfois, de constater tant d’inconscience et de manque de lucidité.

Bon, bref ! A mes débuts, je fus bombardé professeur de sciences naturelles dans un grand collège de la région parisienne, il y avait 1100 élèves exactement. J’avais été recruté sur dossier et par bonheur pour moi, je rêvais d’être prof de sciences. Ce fut un régal, j’en ai gardé un souvenir inoubliable.
Avec cette matière principale, je devais assurer quatre heures hebdomadaires de cours de musique. J’ai failli avaler mon pipeau.
Moi, pro de musique, vous rigolez !
Il a fallu que je m’y fasse et j’ai fait mon possible quitte à passer à côté de la discipline.
J’ai bien ri en m’observant à l’œuvre musicale, le piano s’en souvient encore !

Totalement perdu dans l’univers des concerts, incapable de réaliser la tarte à la crème du solfège, je m’étais lancé dans l’historique du piano et du clavecin. Un instrument à cordes frappées, l’autre à cordes pincées, issus du tympanon et de l’épinette. Cela n’avait rien de musical, c’était de l’histoire pure et simple, l’histoire d’instruments qui se ressemblent et sont pourtant différents.
Je meublais.
Sur ma lancée, en bon prof objectif, de connaissance et de découverte, j’ai entrepris de démonter le piano pour montrer les marteaux, les cordes, les étouffoirs, la caisse de résonnance et tout et tout, hélas je n’avais pas de clavecin pour faire durer mon cinéma.
Pour rester dans le bain musical, je passais des disques classiques en fond et je vous assure que la neuvième symphonie de Beethoven n’avait plus aucun secret pour personne. C’était une imprégnation subliminale de la musique classique.
Il m’est même arrivé de me mettre au piano faisant mine de me lancer dans un concerto pour doigts incompétents et je vous assure qu’on s’est bien amusé. Les enfants éblouis par ma prestation, m’applaudissaient à tout rompre et bissaient m’invitant à jouer un autre morceau profane.
Je reste persuadé que si ne les ai branchés sur l’art musical, j’ai dû les diriger vers l’humour, le comique et j’espère vers les sketches.
Il fallait avoir de l’aplomb, une belle assurance pour s’embarquer ainsi.
J’en ai gardé un souvenir impérissable aussi !
On m’avait envoyé dans une galère, j’ai fait le clown.

J’avais la cote auprès des enfants, ils me suivaient partout. Quel est ce personnage extravagant ? Je les avais étonnés, d’abord, puis embarqués.

J’étais encore un gamin, j’espère que je le suis toujours.
Je fuyais la salle des profs, j’y mettais rarement les pieds, me sentant plus intrus que bien venu. Je croyais que ma place était auprès des enfants, alors je faisais récré avec eux en jouant au foot. Elèves comme profs étaient très étonnés de cette attitude inédite. J’avais tout un bataillon d’enfants à mes trousses comme à la parade.
Cela fit rire et rendit joyeuse une dame professeure de français proche de la retraite. Elle était un peu boulotte, les joues pouponnes bien roses, le sourire permanent, elle me regardait d’un air amusé et même attendri. Quel est cet histrion joyeux qui passe dans notre cour comme une étoile filante dans le ciel. Elle me demandait ce que j’avais fait aux enfants pour avoir une telle adhésion de la gente collégienne… Tant de fans autour de moi !
Très surprise d’entendre les enfants sortir de son cours en disant : « Dépêchons, dépêchons nous, nous allons chez M. Dominati ! » Elle s’interrogeait, les doigts sur le menton, me regardant « intrigamment », si je peux me permettre ce vilain barbarisme..

Je n’avais rien fait d’autre qu’être moi-même en exploitant mon savoir et mon savoir-faire du moment.
Voilà à quoi s’expose l’Education Nationale en ne formant pas son personnel !

Mais bigre ! Je crois que dans mon cas, l’institution a bien fait, elle m’aurait déformé, sans doute !
J’ai pu le mesurer ensuite en suivant les fameuses et fumeuses journées pédagogiques…

Vive l’éducation sur le tas, si vous avez la fibre musicale, bien entendu !

3 Comments

  1. bravo missiau j ai adorer ton histoir !et je suis con tente de les savoir en avant première !

    signée ta petite fille préférée

  2. barvo missiau super histoire !!!!!!!!et super contente de les savoirs en avant première

    signé ta petite fille préférée

  3. dsl missiau j ai laissé 2000 commentaires c juste que je suis nul en informatique
    PS :tu m apprendras a faire les smileys sur le clavier

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