Durant ma carrière d’enseignant, j’ai eu recours à l’effet magique.
Durant quatre ou cinq ans, je jouais au magicien lors des fêtes scolaires, c’était une manière de dédramatiser le passage dans ma salle. On venait chez moi parce qu’il y avait un « problème » à régler. C’est ainsi que certains enseignants maladroits expliquaient le recours à mes services.
Avec mes abracadabras et mes tours de passe-passe, certains seraient venus me voir rien que pour assister à d’autres tours de magie.
L’essentiel de mon travail consistait à détecter les difficultés précocement, c’est à dire dès la maternelle. Le suivi rééducatif s’arrêtait à la fin du CE1, si cela s’éternisait, il fallait envisager des prises en charge plus lourdes. Les interventions dans les classes supérieures étaient très rares, mais cela arrivait à titre « gracieux » lorsqu’il me semblait, d’après la description que l’on me faisait du cas, que cela méritait d’être étudié sans s’éterniser.
Un jour, je me promenais dans la cour de récré avec une maîtresse de CM2. Elle semblait désolée que je ne puisse intervenir à son niveau mais avait bien compris ma mission.
Elle me décrivait le cas d’une fille de 11 ans très fâchée avec les mathématiques. Elle était très bonne en français mais en maths, elle ratait ses problèmes alors qu’elle comprenait bien les énoncés. J’ai donc demandé à la voir, avec son accord, juste pour essayer de comprendre ce qui se passait. Elle avait accepté.
Ce fut très rapide car sa difficulté était limpide, facile à comprendre. En discutant avec elle, elle me dit qu’elle ne savait pas faire les multiplications.
La raison en était toute simple, elle n’avait jamais réussi à apprendre ses tables. Elle se bloquait. Le temps pressait, il fallait trouver une solution rapide.
Quelques années plus tôt j’avais participé à une recherche en mathématiques en collaboration avec des profs de l’Ecole Normale de Versailles pour élaborer un ouvrage fondé sur la recherche de terrain. Nous avions un programme à suivre durant la semaine, chacun appliquait sa méthode et nous en débattions le vendredi soir pour dégager une marche à suivre dans le déroulé pédagogique, en prenant ce qui semblait convenir le mieux. On ajustait des pratiques à la lumière de chaque intervention. La semaine suivante tout le monde se mettait au diapason et l’on s’assurait que tous les enfants suivaient convenablement. Le programme évoluait ainsi après les conclusions recueillies.
Je vous assure que c’est vrai, nous avions exploré la fonction exponentielle au CE1, CE2 sans, évidemment, la nommer ainsi. C’étaient les enfants qui expérimentaient et formulaient les données à retenir, dégageaient l’essentiel… ce fut une expérience formidable.
De cette période j’avais retenu beaucoup de choses utiles qui ne se pratiquent pas dans la classe, ordinairement. Il s’agissait d’une expérimentation ciblée dans une école d’application rattachée à l’Ecole Normale, sur le principe d’un CHU.
Nous savions un truc sur les tables de multiplication. On peut très rapidement trouver la réponse sans connaître la table. Nous nous étions interdit de divulguer la chose dans les écoles car apprendre ses tables fait travailler la mémoire et généralement cela ne pose pas trop de problèmes, certains ont besoin d’un peu plus de temps.
La gamine commençait déjà à prendre de l’âge, il devenait urgent de lui donner un moyen de faire ses multiplications en lui permettant de trouver la réponse à 7 fois 8, par exemple, en deux ou trois secondes seulement, sans connaître la table.
C’est à ce moment que j’ai suggéré mon effet magique, c’était une affaire de doigts levés ou pliés qui au bout de quelques essais devenait simplicité biblique et d’une grande rapidité.
Avec le temps la mémorisation prenait le relais, l’enfant n’était plus dans l’urgence d’apprendre la table.
Elle a beaucoup ri et s’émerveillait de trouver si rapidement. Je lui avais communiqué ce truc en lui disant que c’était un secret entre nous et qu’elle ne devait le divulguer à personne, y compris la maîtresse.
Quelque jours plus tard, l’enseignante tout sourire, est venue me voir, totalement intriguée. Elle sait faire ses multiplications, je la vois jouer avec ses doigts, elle n’a pas voulu me dire comment elle fait.
Je n’ai pipé mot non plus : Vous êtes contente ? Elle se débrouille ? C’est très bien, le reste c’est notre secret.
Vous savez, je vais dire une chose, l’école c’est la vie, il faut se comporter simplement, on peut rire, applaudir et surtout ne jamais aller en classe à reculons !
Enseigner est un métier formidable, il en va de l’avenir des enfants…
Et toujours pas d’image à l’horizon.
Ça va venir, j’en ai des belles, toutes fraîches, je les réserve pour le prochain blog.
euhhhhhhhhh voilà qui m’amuserait pour mes petiots ! ils savent qu’on parle avec les mains dans le midi ! ça serait génial ! j’adore tout ce qui n’est pas conventionnel dans l’Enseignement ! belle fin de dimanche Simonu
C’est un truc marrant qui marche à tous les coups.
Bon dimanche, il pleut, le feu ronronne. 🙂
nous la pluie c’était hier et ce sera à priori demain. Ce soir le défilé des enfants-sorciers d’halloween a commencé.
Le truc en question me tente bien 😀 pas de cheminée ici, la fenêtre est ouverte
Pour le truc, il faut l’enfant devant moi car, il est nécessaire de rythmer rapidement, ne pas s’étirer en explications, c’est un art aussi.
Si l’on explique trop on perd l’enfant, c »est du tac tac, que de la magie pas de réflexion 🙂
Ces enfants ont eu la chance de vous rencontrer, moi c’était mon père qui m’attendait le soir dans la cuisine avec les tables de multiplication qu’il me faisait rentrer dans la tête de gré ou de force, pas de magie 😉
En même temps, je prenais un plaisir fou à chercher des solutions.
J’ai fonctionné ainsi tout ma vie, pour tout. 🙂
J’ai fait la mère chose que votre père avec mon fils, avec des résultats déplorables. Le coût sur la suite de la scolarité a été lourd, J’y pense encore non sans regrets et plus encore, comme à quelques erreurs et comportements détestables qu’il m’est arrivé de développer en situations d’urgence ou de pression et notamment avec des gens plus faibles que moi.
Effectivement, que n’avons nous croisé Simon plus tôt ?
Bien à vous.
J’en garde malgré tout un bon souvenir, celui de mon père s’occupant de moi, votre fils en a certainement le même souvenir que moi. En vieillissant on comprend que les parents ont fait comme ils ont pu et cherchaient à bien faire. N’est ce pas l’essentiel ?
Encore un billet que je trouve fort intéressant. Elle a eut de la chance de vous rencontrer 🙂
C’était simplissime Gys, dans une classe on ne voit les choses de la même manière 🙂
J’en ai vu un autre dans la même classe : 4 ôté de 7 disait-il je pars de 4 et je monte à 7 donc 3.
Puis du côté des dizaines, il faisait une addition, en fait il n’avait pas compris la soustraction, en allant de 4 vers 7 dans son esprit, il additionnait. j’ai compris qu’il n’avait pas assimilé la notion de complément… et en outre, je lui demande :
– Quand tu dis 4 ôté de 7 qu’est-ce que ça veut dite ôter ?
– Ben, ça veut dire roter comme quand tu rotes ! »
Voilà voilà… on utilise un langage sans expliquer ce qu’il signifie, et après on voyage pépère… 😉
d’accord je vois (rire)