Logiques.

Lorsque les idées ne s’imposent plus à vous, rien n’est plus nourrissant qu’un petit tour parmi les brèves de comptoir. C’est une mine. Un véritable trésor, une caverne d’Ali Baba des boutades. Des plus folles aux plus sérieuses, c’est toujours l’occasion de remarquer à quel point les logiques sont surprenantes, tout dépend du postulat de départ. Ensuite, ça coule de source, ça va tout seul et personne ne peut plus vous arrêter.
Les gens accoudés au zinc deviennent, après quelques canons, de véritables bombes philosophiques multidirectionnelles. Un feu d’artifice de la pensée lâchée en pétard détonant, parfois mouillé mais toujours amusant à entendre éclater. Une fusée sifflante, scintillante et tournoyante vous file sous le nez pour exploser au-dessus des ballons vides qui n’attendent que l’injonction joyeuse « chargez les verres ! ». Une nouvelle salve d’étoiles pourra jaillir du fond du gosier animant d’un bouquet final une fête qui touche à sa fin… Il est temps de rentrer, ça va tirer la moue dans le foyer.

Il y en a pour tous les goûts, de la logique implacable à la plus douteuse, du syllogisme au sophisme abusif. Les constructions sont spontanées, formulées comme ça vient, sans structure particulièrement étudiée pour ressembler aux raisonnements logiques cités plus haut.
En voici quelques touches, tirées de brèves de comptoir « Le grand café » J.M. Gourio

« Le boa digère en trois semaines, ce n’est pas lui qui va boire de la Badoit pour digérer plus vite »

« Un mec qui est en taule, c’est qu’il est con, si en plus il est innocent, c’est qu’il est encore plus con. »

« On n’a pas le droit de pêcher le thon rouge mais c’est après qu’il est coupé en deux qu’on voit qu’il est rouge. »

« C’est dangereux une voiture familiale, on met tous les œufs dans le même panier. »

« Ça passe vite, il y a des bébés qui sont nés en 2000 et qui ont déjà 20 ans aujourd’hui. »

« – Tu crois en Dieu ?   
– Ben oui, quand tu meurs, faut bien aller quelque part. »

« Vous êtes musicien ? Je l’ai vu tout de suite, j’ai l’œil musical. »

« C’est tout un processus, quand on a compris ça, on a tout compris »

Mais il y a beaucoup plus sérieux.
Dans les tribunaux se joue une comédie réalité qui nécessite d’avoir fait des études supérieures pour des effets de mains. Les plaideurs sont des acteurs haut de gamme qui déroulent une logique implacable pour disculper leur client.
C’est la règle du jeu : tout faire pour défendre ou accuser.
Tout y est, le verbe, l’effet de manche, le regard qui passe par tous les stades susceptibles de produire l’émotion souhaitée, comme le magicien vous conduit à prendre une carte forcée sans que vous puissiez vous en douter.
L’avocaméléon prend la couleur de son client et n’en dévie plus.
Au départ c’est une poignée de sucre dont la coloration est celle du client puis l’avocat devient centrifugeuse pour produire une barbe à papa du plus bel effet, à offrir à l’auditoire et en priorité aux membres du jury.
De la sorte, celui qui a été votre sauveur aurait pu être votre bourreau si la partie adverse avait eu la bonne idée de frapper à sa porte avant vous. Avec la même force de persuasion, il aurait soutenu exactement le contraire. Son visage aurait exprimé l’effroi inverse ou la compassion inversée et son raisonnement n’aurait rien perdu de sa logique de prétoire. Il aurait produit une barbe à papa d’une autre saveur tout aussi tentante.
Généralement les plaideurs s’évertuent à tordre les phrases et les mots pour en extraire la moindre goutte de doute. Ce doute qui embarrassera le juré avant de se prononcer pour une peine. Un juré lavé, lessivé qui parfois sait la culpabilité que personne n’a pu prouver. C’est le but du jeu, semer le trouble pour éviter de voir clair, tout en claironnant que c’est limpide comme eau de roche.
L’homme de droit est homme pile et face qui devient pile ou face dès qu’il soutien un client. Il vit donc sur la tranche avant de savoir de quel côté il va tomber. Tout devient logique, une logique construite, induite, conduite avec le plus grand sérieux de sorte que dans son for intérieur, le plaideur finit par être persuadé du bien fondé de sa plaidoirie, le jeu devient réalité. La construction de sa vérité prend corps pour ressembler puis devenir la vérité dans l’esprit de ceux qui l’écoute.

Si un jour je devais avoir recours aux services d’un plaideur, je sais qu’il me dira « laisse dire et tais-toi ». Mais je crois que je me défendrai tout seul, je m’en sens capable car je prendrai toutes mes responsabilités et assumerai mes bêtises… C’est le cœur du problème, assumer ses actes et non les enfumer systématiquement avec des cheminements qui n’excusent rien mais justifient tout.

La logique qui révèle la réalité est celle de la vérité que seul l’accusé coupable ou non est capable de dire. Les jurés sont des hommes aussi, sont-ils toujours en mesure de croire à l’aveu de vérité ? C’est pourtant la même histoire qui recommence à chaque fois, de logique en autre logique destinées à clarifier les choses, chacun prend sa dose de réalité artificielle pour juger en son âme, bien plus qu’en conscience.

Ainsi se nourrit la vie…

Effet de manche : la Corse en filigrane.
Effet deux : La grotte.
Effet de manche : Entrée du purgatoire.
La vérité, la réalité : Tout part de là.

4 Comments

  1. Très jolis tes bidouillages-photo !
    Pour le reste j’ai la même appréciation des avocats ces manipulateurs. Par contre il y a des innocents qui ne savent pas se défendre et pour eux ils sont nécessaires. Comme pour la police : ils sont un mal nécessaire. Mais je ne les apprécie pas pour autant.

  2. Les bidouillages sont aléatoires au départ, ce n’est que chemin faisant que j’entrevois une piste.
    La Corse en filigrane, n’a pas été ajoutée, elle est apparue vaguement et j’ai exploité la vision en la poussant un peu.
    La balance en titre, c’est une noix au sol parmi des cailloux.
    Bon dimanche 🙂

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