Pervenche.

Il n’est point besoin de toujours partir avec l’idée de faire une bonne trouvaille photographique. Une image qui parle et vous dit des choses ne se cherche pas, elle advient et s’impose. C’est elle qui prend la parole. Le préalable trop pensé ou trop dirigé ôte toute spontanéité dans les rencontres et supprime l’effet de surprise qui renforce le plaisir de la découverte soudaine. Point besoin non plus de partir à l’aventure avec un gros appareil du dernier cri. Celui-là, mais pas du dernier cri, je l’embarque uniquement lorsque j’ai repéré un sujet qui m’intéresse et que je souhaite développer en taquinant les effets qui m’inspirent. Le plus souvent, j’ai dans ma poche, un petit compact, un minus. Il dort et patiente dans l’ombre, n’attire aucun regard sur lui. Je sais qu’il est disponible à tout moment. Avec les smartphones cela va de soi mais je ne possède pas de portable, je préfère vivre l’ici et maintenant que le maintenant là-bas avec une voix au bout du fil trop fréquemment. Ce n’est pas une critique mais un choix de vie, l’avant et le là-bas , je les réserve à mes retours sur le passé lorsque l’envie d’écrire survient et elle survient souvent, presque une seconde nature.

Ce matin, je remontais du jardin nonchalamment, le regard un peu fouineur dans les herbes bien hautes déjà, car l’hiver et le début du printemps ont beaucoup pleuré. Ce ne sont que sourires désormais dans la nature. L’explosion est équatoriale. Pas une plante sauvage ne manque à l’appel de la chaleur enfin revenue. En haut des marches qui conduisent à la maison, juste au ras du sol visible d’un degré inférieur de l’escalier à hauteur d’yeux, j’ai cru voir des milliers de soleils radieux jaunissant un gazon d’ordinaire bien vert et plutôt ras. Une jaunisse généralisée, de l’or partout, éclaboussaient les herbes folles. A cette vision, comme par magie enchantée, transformé en lilliputien, je me frayais un chemin au cœur d’une végétation luxuriante à la conquête de l’âme bleue.

Le rêve est au fond des yeux, s’évade des mirettes et puis vadrouille.

Devenu minuscule, je levais mes pupilles au ciel pour admirer toutes ces ombrelles citronnées, et celles rosées qui parsemaient les sous-pissenlits. Quelques rares fumeterres endimanchées tiraient leur cou de girafe au-dessus de la mêlée, péniblement, pour voir l’horizon. Au pied, juste au pied de la table de bar abandonnée, à côté de son squelette de bronze ou de fonte encore recouvert de peinture verte, je devinais le bleu, un azur teinté de violet autour d’un cœur bordé d’un léger lavis blanc. On aurait dit une reine qui déploie sa parabole vers les cieux. Est-elle désespérée, en pleine solitude au milieu de la savane ou chante-t-elle sa joie de dominer le paradis doré ? Elle n’est pas noyée, elle n’est pas perdue, bien au contraire on ne voit qu’elle. L’atmosphère poudrée de jaune la désigne, toutes corolles tournées vers elle et semble l’admirer.

Alors, dans ce décor doré, la coquette se pavane en humant l’air déjà chaud d’un matin de printemps. Dans sa corolle étalée, son cœur de pervenche trompette le silence bleu.

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