L’esquive.

L’esquive est une autre dérobade, parfois une fuite.
Elle est pour moi un moment de « philosovie » à la bonne franquette parce que je le veux bien.
C’est un bavardage qui nourrit l’illusion d’aller de l’avant alors qu’on n’avance guère du moindre millimètre. Une esquive qui engendre le sur-place n’est-ce pas un paradoxe ?
Un bavardage disais-je, mais ce bavardage n’est pas vain.
On ne peut traverser une vie entière sans penser un instant au mystère de l’après vie. On sait qu’on va mourir mais on ne le croit pas, c’est un équilibre de survie qui installe la paix dans l’âme.

Parfois, je me demande comment une personne rationnelle, amoureuse de la logique, comme je le suis souvent, passe autant de temps dans les étoiles à s’inventer des possibles si éloignés du probable.
C’est ainsi que je vis, c’est ainsi que les hommes vivent, pourtant.
Je scrute le comment en espérant entrevoir le pourquoi.

Être dans les étoiles n’est pas vagabondage au-delà des nuages. Rêver d’astronomie mêlée de vague transcendance, pour chercher un sens à la vie, reste profondément humain et donc une idée mouvante, changeante, perpétuellement retranchée dans les recoins de l’insondable. Il faut creuser et creuser encore au fond de sa réflexion onirique pour se rendre compte qu’il n’y a point de lumière en vue. Il n’y a point de salut. Pessimisme ? Point du tout, c’est tranquillité de l’esprit qui fait mine de se torturer pour trouver une sortie au « pourquoi ». Impossible d’éclairer le « pourquoi majuscule » celui émanant d’un créateur introuvable et insondable.
D’autres y trouvent lumière instantanément comme une sorte de révélation qui apaise. La lumière du croire se passe du « pourquoi » et le savoir a besoin du « comment ».
Nous ne sommes pas interdits de comprendre, mais ce que nous cherchons à comprendre est une anguille insaisissable qui nous file perpétuellement entre les doigts.
Je ne trouve rien, rien du tout, englué dans l’histoire de l’œuf et de la poule.

J’avais oublié le maillon manquant, la poule fait l’œuf mais sans le coq, son œuvre est stérile.

Parvenu à ce stade, je vis les pieds sur terre, je m’engage dans le carpe diem.
Pour me distraire, je voyage inlassablement dans l’imaginaire, non pour creuser encore mais pour m’amuser avec des visions qui m’enchantent. Puisque le réel m’interdit de comprendre la grande énigme, je me défile et l’invente à ma guise.
Les étoiles m’ont toujours fasciné.
Parfois, je souhaite un débarquement d’extraterrestres suffisamment pacifiques et évolués, en totale confiance, des êtres bien intentionnés qui m’invitent dans leur galaxie.
J’en ai rêvé lorsque très jeune, le soir dans mon lit, j’avais du mal à trouver le sommeil.
C’est sans doute fréquent au moment du comptage des moutons, qui s’éternise.
J’ai toujours eu envie de m’inventer – puisque je ne sais rien – d’autres mondes, avec la probabilité de découvrir une existence proche de zéro dans mon laps de vie trop court
Même avec une vie de Mathusalem, je ne trouverai rien. Vivre 969 ans comme lui me conduirait à fouiller tous les recoins de mon esprit pour le vide, aussi.
Le temps presse, l’imagination se met au service du rêveur pour lui inventer ce qui lui fait plaisir.
J’agite mon va et vient entre réel et imaginaire lorsque la nuit m’enchante de ses clignotements mystérieux.
Mon aéronef voyage sans carburant et sans faire de bruit. Je fouille l’espace et je m’émerveille de découvertes aléatoires, toujours renouvelées, surgies d’un esprit en vadrouille.

Des petites créatures vertes, scandaient mon nom, me saluant au passage. Curieusement, elles ne souriaient pas. Dans leur monde, la joie est sérieuse plutôt inquiétude qu’allégresse. Leurs émotions engendrent les sentiments d’un perplexe incessant.

Je propulse ma vie vers le trou noir, là-haut au fin fond des galaxies. Cet endroit d’où rien ne sort, emprisonné par un tourbillon inimaginable qui ne laisse poindre ni matière ni lumière. Est-ce là que se cache le mystère ?
Je m’imagine satellisé au bout des mondes, et brusquement, cette gueule à néant m’engloutit. Mon imagination absurde cherche une conscience dans l’absence de tout… Le côté obscur, l’impalpable, l’incompréhensible, me conduisent à inventer, à inventer encore pour installer le doute.

C’est le moment angoissant de la vie qui se représente la mort.
Comment passer de l’être au néant ?
On n’imagine pas le néant.
Le vide absolu ne peut habiter une conscience.
Chercher à mettre des mots sur le néant est insensé car nous parlerions d’un néant qui vit.

Longue vie ne sert à rien, seule l’intensité du vivre est conscience d’une existence.
Le temps est un leurre. Temps long ne vaut pas plus que temps court. Quel que soit le cas de figure, il a trop vite filé.
Il faut intégrer cette notion de temps pour lâcher prise et vivre avec l’illusion d’approcher la liberté.

S’extasier devant la longévité d’une personne qui a vécu cent ans, ou très longue vie, est insensé. Cette personne n’est plus, elle n’a d’existence que dans l’esprit de ceux qui l’évoquent.
Seul, l’ici et maintenant garde tout son sens. Passé et avenir ne sont qu’évocations du vivant. L’un n’existe plus et l’autre n’existe pas. On a connu le fini, le futur reste un grand point d’interrogation.
Quel est le sens d’une vie passée qu’on évoque ?
Elle laisse aux vivants l’énigme et l’arrière goût de l’œuf et de la poule ?

Je profite de l’absurde pour m’imaginer dans l’au-delà, alors que je suis encore dans l’eau d’ici… Je me fabrique des frissons post-mortem avant qu’il ne soit trop tard. Les frissons sont d’ici et non de là-bas..
L’idée de la mort est-elle insupportable ?
L’homme n’a pas d’autre solution que le mirage.

Avec l’esquive, la vie devient plus douce en concoctant une « après vie » sur mesure, je l’invente à ma guise…
Je ne sais rien, je me trafique une vie en prenant soin d’escamoter le leurre qui fabrique mes pensées.

Devant moi, était une maison en ruine.
Je vis l’endroit se transformer comme si la fin du monde venait de sonner de manière mystérieuse.
Je fus transporté dans la chambre de mon enfance.
C’était l’hiver, il faisait froid, le vent soufflait par rafales rageuses, ma chambre était glaciale.
Sous les draps et les couvertures régnait la douceur d’un cocon.
Une invitation à l’onirisme avant de trouver le sommeil, il faisait bon rêver.
L’univers m’appartenait.
Je voyageais en totale liberté.
J’errais et visitait toutes les galaxies…

C’était il y a déjà fort longtemps, c’était beau !

*A propos du dessinJ’ai imaginé des petits hommes verts postés quelque part dans le ciel, qui attendaient mon passage comme on attend un cycliste échappé dans une course de montagne. C’est plus réjouissant d’imaginer qu’on est attendu quelque part, vous l’avez compris ce n’est qu’un clin d’œil de plus à cette mystérieuse inconnue qu’est la faucheuse.

2 Comments

  1. Vous ne trouvez rien parce qu’il n’y a peut-être rien à trouver 😉
    Bien les dessins, rigolos comme j’aime !

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