Le poêle.

Dans la chambre sans WC que nous avions louée en plein Versailles, le propriétaire venait de faire changer le poêle à mazout avant notre entrée. Il avait bien insisté pour nous le faire savoir.

Nous étions en septembre, le chauffage n’avait pas encore démarré, j’avais remarqué que l’appareil, visiblement neuf, fuyait. Une flaque de combustible s’élargissait sous les « pieds » qui le surélevaient.
Une goutte perlait et lâchait prise pour faire place à une autre sur un rythme somme toute assez lent. La fuite n’était pas importante mais il était nécessaire de resserrer un écrou pour la stopper. Je n’avais pas d’outil, je me suis souvenu qu’à l’étage vivait un couple avec une petite fille, des jeunes portugais.
Je suis monté leur demander une pince.
L’homme était menuisier. Apparemment très serviable, il demanda à voir en prétextant qu’il effectuerait le dépannage à ma place. Le voilà qui débarque avec sa pince, nous étions à plat ventre, il tentait de serrer l’écrou. J’ai failli le stopper sur le champ, trop tard, il avait saisi le pas de vis et le faussa, de sorte qu’il devint impossible de remonter le bouchon de vidange.

Il était fier de son ouvrage me faisant remarquer que la goutte ne perlait plus. Sans doute prenait-elle un peu de repos puisqu’elle réapparut après son départ.
Je l’avais déjà invité avec sa petite famille pour un apéro le samedi suivant.

A l’heure convenue, neuf personnes débarquent chez nous en fanfare. Des joyeux drilles très bruyants, très chaleureux comme si on se connaissait de longue date. Ce fut une fin d’après-midi infernale, ils occupaient la pièce à leur guise, assis sur le lit et s’embrassant à bouche pleine, se roulant parfois fortement enlacés, façon tonnelier. D’autres, rigolards, étaient assis sur la table ou sur un meuble bas. Ils jouaient des coudes et trinquaient allègrement avec force chahut.

Nous avons passé l’hiver sans chauffage, les draps qui séchaient sur place, moisissaient.

Le couple était du genre « je t’aime, moi non plus », le mari mettait sa femme à la porte et elle gémissait devant la nôtre pour qu’on la fasse rentrer.
J’ai passé quelques moments désagréables chez notre menuisier à tenter de le raisonner après minuit. Il m’ouvrait sans difficulté et me proposait à boire, de l’eau de vie ramenée de Lusitanie. C’était pénible, je réussissais à le convaincre de laisser rentrer son épouse, il acceptait… puis recommençait quelques jours plus tard.

Il me trouvait si sympa qu’il me demanda d’être le parrain de leur fille, en précisant :
– Tu achèteras la chaine en or et c’est tout !

J’étais agnostique, cela me servit de prétexte pour ne pas aller à l’église, j’imagine que ce fut un baptême très mouvementé si j’en juge par l’exubérance de leurs amis lusitaniens.

Comment voulez-vous oublier cette chambre ?
Le propriétaire s’était bien gardé de nous annoncer l’absence de WC, j’avais omis de lui dire que son poêle fuyait…
Je l’ai même menacé d’un coup de poêle sur la tête, poêle à frire cette fois-ci, un jour qu’il réclamait un surplus de loyer indu.
Je l’ai raccompagné jusqu’à la porte, l’ustensile bien haut au-dessus de son crâne, menaçant de choir avec fracas à tout instant, sans aller jusqu’au coup de gong final !
En l’assommant, il aurait pu m’en cuire aussi !

Si Versailles vous était conté… ce serait ainsi !

Chien battu.

Je n’ai pas d’illustrations propres au texte et comme j’ai pris l’habitude de les habiller, j’ai déshabillé Paul pour…
Image en titre = un tronc de bouleau.

2 Comments

  1. C’est comme ça quand on vient d’arriver quelque part, les gens nous sentent sans défense et abusent de notre naïveté. J’ai vécu des aventures semblables en arrivant en Corse, mieux vaut être jeune et avoir le sens de l’humour pour subir ce genre de chose 😉
    J’adore la photo de l’iris 🙂

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