Et par tous les chemins, il revient…

Avertissement : 
Je sais, avant d’écrire ce récit, que je vais me répéter, ressasser. Que voulez-vous, avec tant de textes et jamais l’envie d’arrêter, la redondance est inévitable.
Alors, me souvenant de Sully, je tente une paraphrase : Radotage et Rabâchage sont les deux mamelles de la mémoire. (Radotage pour ceux qui ne s’en rendent pas compte et rabâchage pour ceux qui répètent en toute conscience)

Je possède une sorte de capteur permanent qui veille dans mon esprit. Implanté à vie, j’espère.
Aucun effort, je ne fais aucun effort, il est en mode vigilance, totalement indépendant et ne clignote que pour me signaler une information qui peut m’intéresser. Il sait, depuis le temps que nous fonctionnons en synergie tacite, quels sont mes plaisirs et capte les bonnes nouvelles. Pour les mauvaises, il hésite, son hésitation m’alerte, je passe à autre chose.

Est-ce une fixation, le clocher du village ? Je ne me lasse jamais de le photographier sous toutes les coutures ? Ou alors suis-je un « campanilophile » qui s’ignore ?
Tout cela me semble en parfait équilibre, ce clocher fait partie de mon histoire, je me suis construit avec lui. Toute mon enfance a tourné autour. Tante Marie, la bien-nommée, en était la gardienne et la sonneuse de cloches, spécialiste du glas artisanal. Je veux dire par là, qu’elle faisait tinter le bourdon à l’ancienne avec les bras et les jambes en tirant sur des cordes. Plus tard, un clavier installé dans la sacristie en fit une affaire de piano. Dès lors, je la vis triste et bien marrie, si j’ose jouer sur les mots. C’en était fini pour elle, elle devenait inutile… En parfaite sacristine, l’église était sa deuxième demeure.

Le clocher évoque une sorte de boussole pour retrouver le cœur du village. Il est visible de n’importe quel endroit de nos quartiers, presque.
L’église m’a fortement marqué. Je suis passé par toutes les fonctions d’un enfant de cœur. Du carillon au claquoir, de l’alimentation du bénitier à celui de l’encensoir, des burettes à l’étouffoir à bougies… J’ai dû parvenir au grade d’enfant de cœur en chef à un moment de ma vie. Il m’arrivait de passer souvent par confesse surtout les jours creux. Ces jours où peu de dames se pressaient devant le confessionnal, les hommes le boudaient, je faisais mon apprentissage du mea culpa en sélectionnant les péchés. Ceux à purger d’urgence en me gardant bien de livrer les moins avouables car hors le « Je vous salue » destiné à effacer les péchés véniels, une fois, deux fois ou plus, selon le degré de petite gravité, le « Notre Père » réservé au lourd, lavait les plus sévères. Au troisième Notre Père infligé dans la même pénitence, je mesurais l’extrême gravité et m’inquiétais d’avoir tant transgressé la bienséance. J’ignorais quelle était la pénitence suprême. Je n’en disais pas trop pour éviter de connaitre ces terribles fourches plus caudines. Je ne mettais jamais mon permis de pécher en danger en perdant tous les points d’un seul coup. J’apprenais à être raisonnable dans mes aveux comme la modération dans la vie.
Le plus curieux dans l’affaire était ma capacité à raconter n’importe quoi pour justifier mon passage obligé devant le confessionnal. Il m’arrivait de mentir en avouant des fautes jamais commises. Cela me semblait incongru de passer devant le curé pour dire : « Pardonnez-moi mon père parce que je n’ai pas péché ! » J’inventais des faux mauvais coups lorsque les vrais avaient déjà étés purgés la fois précédente.
Avec mon goût pour la digression et la dérision, aujourd’hui, aurais-pu m’en tirer avec humour en affirmant :
« Pardonnez-moi mon père parce que j’ai pêché la truite. » ? Aucune chance de m’en tirer ainsi.
Cela m’arrivait souvent de courir les ruisseaux pourtant.
Voilà pourquoi je gardais toujours un petit péché en réserve pour les jours de disette. C’était souvent le vol de cerises le 31 du plus beau mois de l’année, le mois de Marie et des premières cerises. J’en étais bien incapable mais c’était crédible. Même hors saison, je précisais que j’avais oublié de le signaler en temps utile. Je faisais pénitence pour des prunes en avouant un faux vol de cerises.
Une fausse vraie pénitence pour un vrai faux chapardage.

Vous comprenez pourquoi j’aime tant notre clocher ? C’est lui qui m’a appris la vie. Quand je le regarde, j’ai l’impression qu’il se gausse en me toisant du haut de ses 25 m.
U vituparatu ! (Le malotru) Mais il ne m’en veut pas, ça l’amuse de me rencontrer encore dans les parages et surtout de lui tirer le portrait de tous les endroits du village. Nous sommes de vieux complices ! Imperturbable et toujours aussi majestueux et quand vous saurez qu’il se charge de capturer la foudre depuis sa croix finale pour épargner le village de quelque éclair malveillant, vous comprendrez mieux pourquoi on le vénère tant, notre clocher.

Tiens ! Mon détecteur vient de clinquer, sans doute me fait-il signe d’arrêter pour mieux capter une info…

A demain, peut-être, qui le sait, je ne crois pas aux lendemains… il y a parfois des nuits qui vous emportent et certains, chez nous, s’amusent à dire :
– A voté !
Ce n’est pas très sérieux tout ça.

Campanilophile n’existe pas. Les circonstances sont toujours propices à la création de mots enchantés… Vous l’avez compris = Qui aime les campaniles, les clochers.

Et par tous les chemins, il revient…

Etc, etc… je dispose d’un très grand nombre d’images de ce clocher… Peut-être un jour une expo ?

En N&B, il a encore une autre allure !

10 Comments

  1. Joli moment passé à vous lire, nous sommes certainement nombreux à avoir une histoire proche de notre clocher en France.

  2. Ha ce clocher, c’est le complice des villageois, celui qu’on aperçoit en premier après une absence…
    Je trouve terrible cette religion qui cherche des péchés aux gamins, au point que ceux-ci s’en inventent 🙂

  3. Bonjour et merci pour cette remémoration Simon,
    Pour moi ce clocher reste associé aux années passées avec « Preti Lungaretti » avec qui nous servions la messe du matin juste avant de filer au collège avec nos cartables.
    Jolis souvenirs de notre enfance.

  4. Joli billet, photos comme je les aime.
    Chatvoyageur vit à côté d’un clocher.
    J’ai dans mes archives des clochers de tous horizons (pour un jour faire un billet ?)
    J’adore les clochers autrichiens, celui de Combloux aussi et puis les autres élégants et élancés appelant notre regard…
    A bientôt et bonne semaine.
    E.

  5. Merci pour ce beau récit et toujours d’aussi belles photos . c’est vrai le clocher du village est un point stratégique qui ce voix de partout , que d’histoire il garde entre ces pierres continue j’adore lire tes histoires merci bises marielise

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