Une musique d’automne à la campagne.

Ce texte est une reprise.

C’était un jour radieux.
Le soleil resplendissait de bon matin comme si l’été effectuait un remplacement pour donner à l’automne sa journée de vacances afin de mieux préparer ses brumes et son crachin.
Une nuée de moucherons, sans doute trompés par la chaleur inhabituelle, stationnait au-dessus de la vigne vierge rougie par la saison. Une sorte d’instinct grégaire, agité de mouvements verticaux et zigzagués, animait l’intérieur d’une bulle qui se détachait dans la clarté du ciel.
L’air déjà chaud, tel une aube estivale promettait une journée à bras de chemise.
Une fumée hésitante, presque nonchalante montait de la vallée en rasant le maquis.
Un jardinier invisible pratiquait un écobuage matinal en prévision de semailles printanières encore très lointaines…

Ecobuage.

J’observais distraitement la campagne, un sourire léger, presque une béatitude, éclairait mon visage, j’étais touché par un peu de bonheur. Une conjonction de sensations, visuelle, auditive, olfactive, tactile au passage d’une brise câline, il manquait la saveur âcre d’une fumée qui filait dans la direction opposée.
Les sens, au rendez-vous d’un matin joyeux, sublimaient un hommage à la nature.

La maison était calme, la fenêtre de la salle à manger entr’ouverte offrait son bâillement à de fines particules qui dansaient dans un rayon de soleil. La poussière, très volatile, s’évadait de la salle sous l’effet d’une brise légère entrée par la porte également entrebâillée.
Un petit courant d’air s’occupait du ménage dans la maison…

Soudain, une voix d’enfant jeta par la croisée quelques mots à la mélodie saccadée, des mots au flux sinusoïdal qui rebondissaient sur les vitres cherchant un son sec et cristallin.
L’enfant sollicitait sa mémoire et disait :

Un écureuil sur la bruyère,
Se lave avec de la lumière.
Une feuille morte descend,
Doucement portée par le vent.

Je m’étais adossé au mur de la maison sur le côté de la fenêtre pour mieux entendre la chanson.
Un gobemouche rieur s’était posté sur la barrière.
Je devinais à ses hochements de queue frénétiques qu’il me regardait d’un air curieux et sans doute moqueur. Un port de tête hautain renforçait son air d’effronté, plus je le fixais et plus il semblait me toiser, j’en ignorais la raison.
Une nouvelle salve de mots rythmés s’échappa de la salle à manger :

Et le vent balance la feuille
Juste au-dessus de l’écureuil ;
Le vent attend pour la poser
Légèrement sur la bruyère,
Que l’écureuil soit remonté
Sur le chêne de la clairière
Où il aime à se balancer
Comme une feuille de lumière.

La voix se fit plus percutante et moins chantante comme une signature griffonnée prestement : 
Maurice Carême !

Anna Livia mémorisait sa récitation, elle y mettait toute son énergie, toute sa conviction avant de se précipiter sous le noyer, toute fière de sa vive mémoire et de son récit.
Elle attendait ce moment pour fuir au jardin car dans la nuit, passablement secoué par un vent plus soutenu, l’arbre s’était délesté de ses premières noix.
C’est le hérisson qui a lui tout raconté dans son rêve :
– Ploc ! Ploc ! Ploc ! Les trois premières noix ont lâché prise et sont tombées juste sous mon nez !
Bientôt tu pourras commencer la récolte…

Il y a bien longtemps que je n’ai entendu la douce chanson d’un écolier qui repasse ses leçons.
J’ai fait un bond dans le temps des récitations et de l’école qui souriait à la vie…

La musique d’un autre poème résonne dans le temps :

Aux champs

Je me penche attendri sur les bois et les eaux,
Rêveur, grand-père aussi des fleurs et des oiseaux ;
J’ai la pitié sacrée et profonde des choses ;
J’empêche les enfants de maltraiter les roses ;
Je dis : N’effarez point la plante et l’animal ;
Riez sans faire peur, jouez sans faire mal.
Jeanne et Georges, fronts purs, prunelles éblouies,
Rayonnent au milieu des fleurs épanouies …

Extrait. Victor Hugo
Toute de La Lyre (1888-1893)

4 Comments

  1. Bonsoir Simon ,
    Nostalgie quand tu reviens 🙂
    Excellent récit …. Sincèrement .
    Bona serinata o bona seratina

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