Croquer la vie à pleines dents…

Pas de souci, entre stalactites et stalagmites, le Souci sait choisir.

Voilà un sujet qui m’enchante.
« Je ne me prends plus la tête », « Je croque la vie à pleines dents » ce sont des expressions que l’on entend parfois, des mots prononcés souvent durant la deuxième vie, dans des circonstances particulières, à la suite d’un drame, d’un accident dans le cours de la vie ou en frisant la mort.

Je me souviens, j’écoutais l’interview d’une victime de l’attentat de Barcelone. Sa femme et ses enfants n’avaient subi que des dommages sans grande gravité. Il racontait qu’ils avaient eu de la chance, épargnés par des circonstances miraculeuses.

Il était fatigué, en phase de reconstruction, le souffle encore difficile, mais les yeux remplis d’étoiles d’être encore tous de ce monde. Dans sa douleur presque lumineuse, on devinait l’espoir. Son sourire se frayait un chemin sur un visage marqué par le traumatisme en forçant mollement le passage pour planter la bannière d’un bonheur à venir sur le bout de son nez. Ses yeux pétillaient, on ne voyait que cette lueur joyeuse malgré le masque de douleur. Il conclut son entretien en avouant qu’il n’aspirait plus désormais qu’à une seule chose : « Croquer la vie à pleines dents ». Il venait sans doute de découvrir la notion de temps qui préside à la vie.

Cette image m’a renvoyé illico à ma théorie des contrastes que je cultive depuis belle lurette.
Des contrastes forts, si possible.
Cultiver les contrastes c’est admettre le yin et le yang, accepter tous les pendants – tous les contraires – des bonnes sensations sans lesquels ces dernières n’existeraient point. Faut-il attendre un coup dur, très dur, pour se rendre compte qu’il faut profiter de la vie sans hésiter et sans attendre ?
« Nous avons tous deux vies, la deuxième commence lorsqu’on s’aperçoit qu’on n’en a qu’une. » Confucius
C’est probablement là, avec le rire, l’autre propre de l’homme. La capacité, même tardive, de réaliser le passage dans cette vie.

Se mettre en état de conscience et continuer à croire que la vie est éternelle c’est ignorer la notion de temps en privilégiant l’autre schéma : on sait qu’on va mourir mais on ne le croit pas, abandonnant du même coup notre part de liberté d’agir, si minime soit-elle. Dans ce cas de figure, l’homme est agi plus qu’il n’agit. Il subit en pensant être le moteur de son existence.

Avoir la conviction de croquer la vie à pleine dents c’est atténuer le regret, moduler le remords, baigner dans l’ici et maintenant le plus souvent.

J’aimerais bien être en possession de ma lucidité au moment de quitter cette terre pour rassurer tous les miens. Leur dire, voilà, je m’en vais puisqu’il faut partir un jour, j’étais averti, ne soyez pas tristes, votre tour viendra. C’est la fin d’une histoire, gardez le souvenir qui vous convient, souriez, je ne serai pas bien loin dans votre imaginaire. Et dansez maintenant !

Si je devais ajouter un petit plus, je dirais : J’ai vécu à peu près comme je l’entendais, je pars sans regrets, j’aurais aimé durer davantage car j’avais encore des choses à aimer, à sourire et à rire… à pleurer aussi !

Cette dernière remarque est différente de celle trop sèche « Je ne regrette rien ». Il manque le petit plus, les grelots qui tintent à la fin de la phrase pour célébrer la vie.
« Je ne regrette rien » signifie qu’il était temps de partir, le refus des nuances.

Croquer la vie à pleines dents c’est partir un jour sans regret fors celui de ne pouvoir prolonger encore un peu cette merveilleuse aventure. Ce sentiment d’inachevé est une déclaration d’amour à la vie.

La vie est belle, on la suçote, on la sirote, on la savoure à sa guise, on s’en pourlèche les « blablines », autre version plus gouleyante des babines.

Et pour vivre caché…
Imitons la brindille !

4 Comments

  1. Bonjour Simonu ,
    Comme d’habitude , très beau texte , criant de vérité .
    Vous détenez l’agilité à placer chaque mot important avec une telle légèreté , que même la mort en devient frivole . 😉😄.
    Belle et douce qjournée à vous deux ☀️

  2. Ouais comme la « brindille » 😉
    Votre beau texte me fait penser à ma voisine, bientôt 90 ans. On lui annonce qu’une dame de sa connaissance vient de mourir : « Ha bon ? Mais pourquoi, elle n’était pas malade ! »
    102 ans, maman lui répond sa fille, elle avait 102 ans ! Mais ma voisine ne comprend toujours pas, comment peut-on mourir « de rien » 🙂

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