Mythe et paradoxe de l’égalité.

Je n’ai pas réussi à modeler ce texte comme je voulais. Alors, je le livre ainsi, au risque de faire croire que je suis pour un laisser-aller. Toute ma vie j’ai été au cœur de ces croisades menées autour de moi… puis vient le temps de la lucidité.

Le monde est le théâtre de l’inégalité. Il est monde par cela même, et l’homme qui a des certitudes avec l’idée de Dieu fait tout pour lui ressembler en cherchant à fabriquer le paradis sur terre alors que le Tout Puissant s’est bien gardé de le faire, laissant ce rêve fou à l’innocence humaine.

Le déroulement des choses d’ici-bas, et donc de la vie, poursuit inexorablement une logique insensible à la volonté de l’homme lorsqu’il met en jeu ses plus beaux sentiments. Même s’il parvient à infléchir un peu le cours des choses, le fond persiste ou se transforme à contre courant. Qu’il se mette en règle avec sa conscience et voilà que ses rêves les plus louables lui inventent des effets pervers pour toujours rester du côté de l’inégalité. L’égalité inventée ou souhaitée, sécrète inévitablement sa face dérangeante jamais pressentie. Elle arrive comme une mise en garde, têtue, pour maintenir le contraste, cette  composante de tout équilibre terrestre.

La seule égalité est la mort mais elle est d’un autre monde. Une égalité non pas dans la façon de mourir car ce qui précède la mort fait encore partie de la vie et reste inégale pour tous. Non, l’issue fatale, l’après vie, l’après dernier regard, ce vers quoi nous filons tous que l’on soit puissant ou misérable.

La mort, cet état obscur qui ne révèle aucune nuance, aucun plus, aucun moins… le silence seulement ou plutôt le rien, peut-être le néant,  l’absence de savoir et l’absence de tout. Ce versant que l’on imagine seulement, et certains s’y préparent au cas il y aurait une autre vie. Ils se préparent à être présentables pour l’après. Une attitude paradoxale lorsqu’ils prônent l’égalité ici-bas et pensent que nous n’aurons pas tous les mêmes chances après la vie. Des chemins qui mènent en Enfer au Purgatoire, au Paradis ou le nulle part qu’est l’abîme du néant. Un autre monde inégalitaire ou bien l’égalité parfaite du silence absolu sans aucune certitude que celle de la croyance ou de la pensée. Les plus purs annoncent la béatitude absolue c’est-à-dire l’absence de ressenti… Avec l’absence de contrastes, le bonheur n’a plus de sens, il n’existe pas. Ce ne sont que supputations, le savoir n’y trouve aucune place.

Le croyant se prépare pour le jugement dernier, se fabrique un comportement irréprochable pour un « après » meilleur… c’est le grand paradoxe de ceux qui font le bien pour être mieux que les autres dans l’au-delà.

Si l’on prend l’image du nombre 10 pour figurer la vie, toutes les écritures allant du (1+9) jusqu’au (9+1) en passant par (2+8), y compris les fractions et les nombres décimaux, conduisent au dix. La morale et la bonne conscience des hommes privilégient le (5+5) croyant obtenir un dix meilleur avec l’illusion d’une égalité. Egalité des chances à l’école alors qu’il ne s’agit que d’égalité des moyens avec ce que cela implique comme fortes incertitudes, parité en politique, suppression du genre dès l’école… sont autant de voies censées mener au paradis terrestre où tout baigne. Mais la vie a besoin de bousculades, d’imperfections, de disparités, de maux comme du bien-être… et lorsque les lois morales auront pris le pas sur les lois physiques pour entrer dans l’ennui, ce que serait le meilleur des mondes, le balancier amorcera inéluctablement son retour pour des bouleversements totalement antipodiques. C’est le propre de la vie qui n’a que faire de la volonté des hommes. Certes, des avancées sont possibles, des progrès aussi, mais ils ne se font pas sans leur lot inévitable d’effets pervers contradictoires comme le plus a besoin du moins pour exister.

Vouloir l’égalité est une absurdité propre aux esprits faibles qui se pensent plus forts dans une action faussement humaniste. La vie ne peut que s’accommoder du mieux mais pas du rêve insensé de la morale humaine et des bonnes consciences. « Science sans conscience, n’est que ruine de l’âme » (Rabelais) et l’inconscience des bonnes consciences, même avec science, l’est encore davantage.

La conquête de l’égalité est une chimère contentons-nous de faire pour le mieux sans toucher aux déséquilibres qui font l’équilibre de ce monde. En intervenant, l’homme ne fait que se mettre en règle avec sa conscience, c’est tout à son honneur mais à son honneur seulement.

 

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