Ses quatre vérités.

Longtemps, ma marotte fut la notion de temps.
Comment lui dire ses quatre vérités ? Je vais tenter de le tancer ici !
Hum ! Croyez-vous qu’il m’entendra ?

Aujourd’hui, c’est décidé, je balance tout.
Il n’écoutera rien.
Il ne tient pas en place, on ne peut lui causer tranquillement.
Qu’importe ! Je bombarde !

Je sais que rien ne t’arrête. Que tu as la bougeotte perpétuelle et ne vis qu’en filant tout droit sans te soucier du monde que tu entraines avec toi. Tu nous chipes nos meilleures pépites, parfois brutalement sans qu’on s’y attende, parfois tu nous préviens.
On sait l’issue fatale. Voleur !

On t’appelle le temps, ne serais-tu pas Dieu par hasard ?
Tu fais les secondes, les minutes, les heures, les jours, les mois, les années, les millénaires.
Non content d’être Chronos, tu joues à la météo aussi, tout en sourire ou en furie.
Tu fais le beau, l’arc en ciel, je jour, la nuit, les saisons : la fleurie, celle qui canicule, la morose et nivôse aussi.
Je t’ai entendu une nuit, tu jouais au vent dans les grands châtaigniers tout près du cimetière. Les feuilles frissonnaient si fort qu’elles t’applaudissaient au passage.
La lune riait derrière les nuages, te suivait dans ta course folle. Elle vadrouille, patrouille avec toi, tous les soirs et même le jour, avec sa lanterne tantôt allumée, tantôt pâlotte dominée par le soleil.

Tu existes depuis la nuit des temps et par les temps qui courent, avec le temps, toujours en temps utile comme en un rien de temps, tu tiens bien le temps, tu tires bien ton temps sans jamais tuer le temps. On perd ou on gagne du temps mais on dit surtout que le temps presse, le plus clair du temps… Et puis, tant tu voyages, et tant tu t’en fiches ! Tu tambourines, tu t’emballes, tu tempêtes et jamais tu ne t’embêtes. Tu t’en vas et tes lendemains sont toujours des aujourd’hui. Tu ne connais pas demain mais tu y seras pour fêter un autre jour. Moi, je ne sais pas. J’y serai peut-être !

Tu ne regardes jamais derrière toi. Si tu pouvais, un seul instant, te retourner pour voir les grands dégâts de ton incurie. Pas d’âme, aucune émotion, la course, rien que la course éperdue. Tu avales goulûment, tu mâchouilles, tu croques et engloutis…
Chronophage va !

Un jour, un jour très lointain quand la Terre sera fatiguée de te voir filer, elle s’endormira ou explosera. Tu serviras à quoi ? Survivras-tu dans un univers dévasté ou aspiré par un trou noir ? Qui te regardera passer sans ces repères que sont les jours et les nuits, les mois et les ans ?

Peut-être n’es-tu pas un stupide tapis roulant qui, seulement, embarque et débarque les êtres vivants. Veilles-tu à la santé de notre planète en régulant carnets roses et nécrologie ? 

Je me demande où j’en suis du voyage. Je sais que tu m’as pointé en rouge sur ta liste fatale et que tu ne diras rien.
Tu m’as appris l’ici et maintenantle carpe diem, lorsque j’ai cru avoir intégré ta fonction que j’ai toujours appelée la notion de temps.
Je l’ai compris lors de mes douze ans lorsqu’un cousin me voyant inquiet de trouver le temps long parce qu’il restait un mois avant les vacances et me disait :

– Ô madona ! Hè mortu Louis XIV !*.

Cette remarque me siffle plus fort encore aux oreilles car je n’ai plus douze ans depuis belle lurette…

Louis XIV, rendez-vous compte, combien de temps déjà !

Voyage, voyage ! Voyager avec le temps, il n’y a rien d’autre à faire, il décidera de la fin de l’histoire et ne pipera jamais mot…

« Requiescat in pace », repose en paix écriront les vivants, par avance, je les remercie…

Et toi tu t’en fiches !

*Madone ! Louis XIV est mort ! = sous entendu « Depuis combien de temps et ton mois ne va pas passer ?

Visages du temps météorologique : Menaces.

6 Comments

  1. Voilà, c’est dit et bien dit ! Non mais il se prend pourquoi, le temps ? !
    N’empêche qu’il nous en fait voir d toutes les couleurs, et des belles 😉

  2. Les photos sont magnifiques et peut être qu’elles n’illustrent pas que le temps météo.
    « Ne serais tu pas Dieu par hasard ? »
    Votre texte avec tous les chants du temps, comme devant les clichés grandioses, me font sentir si petite chose fragile et suspendue.
    La sensation est salvatrice, oh humain qui de la vie veut être le centre. Qu’il est bon d’approcher l’immensité et les infinis. Comment ne pas être léger, allégé, quand on s’envisage en de telles perspectives.

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