A cloche pied.

Cloche pied, c’est plus qu’un symbole, c’est un signe qui ne trompe pas.

Hier, je regardais ma petite fille Francesca Maria – qui rentre au CP – venir vers moi, un peu réticente car elle avait entendu parler de lecture. Elle faisait la moue.
Après quelques trucs que j’utilisais lors des rééducations de la lecture, quelques petites minutes seulement pour provoquer un déclic, je l’ai vue partir à cloche pied.

Cette attitude m’a renvoyé quelques années en arrière lorsque les maîtresses – c’étaient souvent des maîtresses – s’évertuaient à encourager l’enfant qui venait dans ma salle pour la première fois. Ces enfants déjà un peu en souffrance, ne venaient pas de gaité de cœur.
Qui c’est celui-là ? Ce mec-là ? Après tout, ils avaient raison, c’était justifié.

Elles avaient beau déployer des trésors de qualificatifs et d’expressions rassurantes « il est gentil », « il va t’aider », « avec lui tu apprendras plus facilement » … bref, elles faisaient tout pour épargner une souffrance supplémentaire, évidemment, ça ne marchait pas.
Ils arrivaient, la tête basse, le regard sombre dans un silence cadenassé. Pas rassurés, pas toujours, heureusement pour moi aussi car je suis un être humain comme les autres.

Une fois l’enfant parvenu dans ma salle, c’était mon affaire.
Il m’a semblé que j’avais du métier même en débutant, sans aucune prétention, mes supérieurs me disaient « vous êtes fait pour ça » dès mes débuts. Les cafouillages m’étaient interdits, il y en avait déjà assez comme ça…
Bon, je n’étais pas le Bon Dieu non plus, d’ailleurs ce dernier est introuvable, l’homme l’a assigné à résidence dans les cieux là où personne ne va, derrière les nuages, un endroit ébloui par le soleil pour que jamais, on ne trouve trace de lui. Alors on imagine et on s’invente ce qui nous permet de mieux vivre.

Après avoir observé l’enfant dans sa classe puis analysé ses productions, j’avais déjà une petite idée que je devais objectiver avec lui. Si je parvenais, tel un magicien à capter son attention, puis la porter sur une conduite à suivre vers le progrès, un sourire s’ensuivait. Deux ou trois petits trucs qui font mouche pour qu’il retourne dans sa classe avec l’esprit de réussite. Des petits riens, des petits déclics, des effets déclenchants, sans trop s’appesantir, des interventions de courte durée… des petits pas qui ressemblent à des bonds. De la sorte, j’avais une accroche pour la fois suivante. C’était très important que l’enfant revienne détendu et avec plaisir…

Je les regardais quitter ma salle à cloche pied, je souriais à mon tour parce que c’était gagné pour la confiance. La base semblait bonne pour commencer à construire, parfois à détruire pour reconstruire et là c’était une autre affaire, notre affaire.

A cloche pied, on ne boîte pas on sautille de joie contenue…

3 Comments

  1. Joli! Et Francesca Maria est ravissante, je reconnais la petite fille déjà vue en compagnie de sa cousine aux yeux bleus, tout aussi lumineuse. 🙂
    J’ai eu un maître d’école comme vous dans une classe de 6ème « de transition », c’est le mot qu’on employait à l’époque. Il était sensé redonner ou donner en même temps que les bases, le goût de l’école à des gamins comme moi, réfractaires à l’école. Mon meilleur souvenir scolaire! Ce fut une révélation. Je pense parfois à lui et souvent quand je vous lis.

      1. Non c’est certain, ça aussi ça vient du coeur. Sans critiquer les enseignants, je crois que c’est ce qui manque maintenant dans les écoles.

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