C’est la pleine saison, cela ne vous a pas échappé. On en voit partout, faciles à reconnaître avec leur barbe blanche et leur tenue rouge écarlate.
Hyper classique.
Les petits enfants s’en donnent à cœur joie, entre celui de la boîte à maman et l’autre de la boîte à papa, on ne peut les louper. Des bambins tellement subjugués qu’ils ne se rendent même pas compte que ce n’est jamais le même « pè’Nouel ». Il y a le grand élancé à l’allure vaguement dégingandée, le petit gros toujours assis, plutôt photo souvenir, flanqué d’un photographe et le moyen avec une alliance au doigt sans doute fraîchement marié en Laponie si l’on en juge par sa mine encore pimpante, colorée par le froid vif. Il y a celui aux yeux bleus de viking, celui au regard noisette, celui aux cils trop longs qui encadrent un œil émeraude et puis tous les autres aux mirettes banales, parfois à la mine renfrognée lorsqu’elle n’est pas inquiétante. Il suffit de parcourir le net pour s’en convaincre.
Les chers petits sont aux anges, ils n’ont que faire de cette barbe de carnaval qui tient de traviole, de cette moustache qui descend sur les lèvres et ne reste jamais en place sous le nez. Ils s’en fichent les mômes, pourvu que la hotte soit bien pleine. Et cette voix, t’as remarqué qu’elle est plus aiguë que celle du bonhomme de la grande surface ? Vous avez vu celui dégoulinant de sueur, mort de chaleur sous sa tenue molletonnée, avec la moustache sur le menton et la barbe sur le ventre ? Là, les petits malins, les plus perspicaces des gamins commencent à se poser des questions. Ce n’est pas le problème de papa Noël, il fait sa pige avec l’accoutrement qu’on lui a fourgué, un habit râpé qui a déjà quelques décembres derrière lui…
C’est vrai, on se demande pourquoi le Père Noël est toujours le plus mal fagoté des personnages de fiction. Moins bien fini qu’un Gilles belge, et loin derrière les figures de la Comedia del Arte au carnaval de Venise toujours impeccablement costumés. Trop vite habillé notre papi écarlate…

On sait aller sur Mars, fabriquer les plus sophistiqués des jouets, réaliser des robots humanoïdes de la plus parfaite ressemblance… On n’a toujours pas réussi le portrait de celui qui transporte les joujoux jusqu’au pied des sapins. Heureusement qu’on ne l’oblige à passer réellement par un conduit de cheminée, c’en serait fatal pour l’image du vieil homme venu de si loin et qui habite au coin de la rue.
Les fabricants de panoplies n’ont toujours pas inventé une moustache qui résiste à la transpiration. Toujours pas inventé une barbe qui tient sur les joues sans s’effondrer sur la poitrine. Ils se sont endormis sur leurs lauriers. Les fêtes de fin d’année se vendent bien et durant cette période les enfants se fichent de tous ces détails, qu’importe la barbe poussiéreuse ou mal taillée pourvu qu’on ait le joujou.
S’il te plaît p’tit pépère « panopliste », pour Noël 2020, fais un p’tit effort pour que notre père des rues enguirlandées ressemble bien à celui des cartes postales. Des joues bien roses et rebondies, le sourire qui met les lunettes rondes en joie, le ventre bien tendu malgré les kilomètres pour arriver jusque-là. Ce serait bien pour le sommeil de nos enfants avant la tombée de minuit. Je présume qu’ils voyageraient au-dessus des nuages avec lui, se penchant sur les lumières des villes successives, frôlant un sapin mal placé, tirant la langue à la lune, poussant les nuages bourrés de neige pour qu’ils aillent larguer leurs flocons au-dessus de leur maison…
Hélas, les « panoplistes » n’ont que faire de mes états d’âme et ne lisent point ce genre de littérature. Ils visent d’autres après, carnaval attend déjà…
Ces mots pour patienter jusqu’à minuit, vous l’avez compris, je n’en fais pas une maladie, plutôt une comédie.
